1938 - La mobilisation générale à Creully dans la presse allemande
Mobilité
énergétique à Creully
Les mesures
de sécurité du gouvernement français ont été menées de manière exemplaire et
dans un calme absolu. Il n'y avait qu'un seul endroit où il y avait une
excitation considérable, mais cet endroit n'a pas une grande importance pour la
France. C'est un tout petit village, la commune de Creully en Normandie près de
Caen. Le gendarme du village, comme toutes les autres autorités, avait reçu
l'ordre par téléphone de poser des affiches annonçant l'appel des réservistes.
Dans son excitation, il a soit mal compris cet ordre téléphonique, soit
confondu les différentes affiches de mobilisation qui étaient naturellement
disponibles. Quoi qu'il en soit, les paysans de Creully apprirent le lendemain
matin que la mobilisation générale avait été décrétée. Comme il se devait, ils
se mirent immédiatement en route, avec leurs voitures et leurs chevaux,
certains même avec leur bétail, comme l'aurait exigé une mobilisation générale.
Ils arrivèrent en cortège fermé à Caen, où cela causa naturellement le plus
grand émoi, et ils ne furent pas peu surpris d'être les seuls de toute la
région à avoir obéi à l'ordre. La reconnaissance suivit bientôt, bien sûr, et
les paysans de Creully repartirent, rassurés.
Autres articles sur le même sujet :
Septembre 1938 - Gendarmerie de Creully - Mobilisation Générale...
Creully sur Seulles - Creully à la "une" du Canard enchaîné en 1938
1758- Les milices garde-côtes de notre littoral - Retrouvez nos paroisses.
En 1757, en
pleine guerre de Sept Ans (1756-1763), la surveillance des côtes françaises,
notamment en Normandie, était une préoccupation stratégique majeure pour le
royaume de France. À cette époque, il n’existait pas encore de corps unifié de
« garde-côtes » comme on pourrait l’imaginer aujourd’hui.
La France est
en guerre contre la Grande-Bretagne. Les côtes françaises sont donc sous la
menace constante de raids ou de débarquements britanniques.
La Normandie,
située en face des côtes anglaises, est particulièrement vulnérable. Les
Anglais ont mené plusieurs incursions sur le littoral normand et breton pendant
ce conflit.
Les moyens de
défense côtière :
Les Milices garde-côtes
- Créées dès le XVIIe siècle sous Colbert,
elles sont composées de paysans et pêcheurs enrôlés localement, souvent
sur une base obligatoire.
- Ces hommes étaient organisés en compagnies
réparties par paroisses ou communes littorales.
- Leur mission : surveiller les côtes,
signaler les navires ennemis et participer à la défense en cas de
débarquement.
- Ils n’étaient pas des soldats professionnels, mais avaient un entraînement sommaire et étaient équipés par l’État ou par leurs moyens.
Les Troupes régulières
- Des détachements de l’armée régulière
étaient aussi stationnés dans des villes comme Cherbourg, Le Havre,
Granville ou Dieppe pour renforcer la défense.
- Des batteries côtières (petits forts ou
redoutes) étaient tenues par des artilleurs.
La Marine
royale et service des classes
- La Marine royale, basée notamment à Brest,
pouvait intervenir au large mais avait un rôle plus stratégique.
- Le système des classes mobilisait les marins
pour la flotte de guerre, mais certains pouvaient être affectés à des
missions côtières.
Notons que notre province de Normandie était divisée en trois départements : Haute, Moyenne et Basse Normandie.
Juin 1858 - Dans nos cantons, le ciel comme une bête déchaînée.
Le mercredi 6
juin 1858 s’ouvrit sur un silence lourd, presque solennel. Bayeux et les terres
paisibles du Bessin suffoquaient sous une chaleur accablante, comme si le ciel
retenait son souffle, préparant en secret l’inexorable courroux de la tempête.
L’air vibrait d’une tension muette, les feuillages étaient immobiles, et le
moindre bruit semblait résonner à l’infini, suspendu dans une attente
étouffante.
Mais la pluie
n’était qu’un prélude.
Bientôt, le
ciel, dans une furie plus grande encore, fit pleuvoir non plus de l’eau, mais
des pierres de glace, énormes, brutales, d’une blancheur aveuglante. Elles
s’écrasèrent sur les toitures, pulvérisèrent les vitres, éventrèrent les
serres. Les jardins, jadis calmes et féconds, furent saccagés, comme passés au
fil d’une invisible épée. Fleurs et légumes, dans un dernier soupir, se
couchèrent sous les coups implacables. Même l’hirondelle, messagère du ciel,
fut frappée net, son corps frêle brisé dans un ultime vol tragique.
Partout, les
foyers pleuraient. Les ardoises jonchaient les sols, les vitres n’étaient plus
que dentelles brisées, et des morceaux de plâtre pendaient aux plafonds comme
les lambeaux d’un monde en ruine. On se murmurait dans Bayeux que jamais
mémoire d’homme n’avait vu semblable désolation.
Et ce fléau ne
s’était pas contenté de la ville.
Il s’était étendu, comme une bête déchaînée, sur les cantons voisins : Balleroy, Tilly, Ryes, Creully… Là, sur une terre labourée par les cieux, une femme âgée, humble gardienne de sa vache, fut frappée par la foudre. Elle s’effondra sans un cri, fauchée dans une solitude tragique. Sa bête, projetée comme une poupée par une main invisible, gisait plus loin, tremblante et muette, à jamais marquée.
À Creully, un
glaçon gigantesque, large comme un poing d’homme, fut retrouvé : preuve muette
de la colère des cieux. Et pourtant, dans cette mer de larmes et de décombres,
une lueur : les récoltes, disait-on, n’étaient pas entièrement perdues. La
nature, blessée mais vivante, semblait prête à se relever.
Mais les
pommiers, eux, pleuraient déjà leur floraison volée, leurs branches nues
tendues vers un ciel qui ne répondait plus.
Les épiceries des cantons de Creully et Ryes en 1891
Creully sur Seulles - Cecil Newton, un de nos libérateurs de juin 44 est décédé
Le 3 juin 1944, Cecil Newton était l'un des nombreux jeunes hommes embarqués à bord d'un navire à Lepe Beach, dans le Hampshire.
Des rangées de tentes et de chars ont été livrées là-bas, au bas de la colline. Mon temps se passait à déballer les tentes et à préparer les chars pour l'action.
Le 3 juin, par une journée très ensoleillée, le sergent-major de l'escadron a marché sur les chars de débarquement avec son bloc-notes sous le bras.
Le soir venu, le temps était devenu affreux et nous étions retardés d'un jour. Nous avons traversé des conditions météorologiques extrêmement difficiles et sommes tombés très malades sur les plages du débarquement. "
Cecil et le 4 / 7ème Royal Dragoon Guards furent les premiers chars à débarquer sur Gold Beach à 7h20 le 6 juin 1944.
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Les 4e/7e Royal Dragoon Guards au camp Heveningham, Suffolk en 1943. ( Photo : newburytoday) |
"Gold
Beach" est le nom de la plage d'atterrissage où le 4ème / 7ème Royal
Dragoon Guards, un régiment blindé aux racines traditionnelles de la cavalerie
britannique, devait attaquer le mur de l'Atlantique de Hitler. "Nous
étions tous bien entraînés et très tendus quant à ce à quoi nous
attendre," rapporte Newton, "mais nous n’avons pas peur. Il ne faut
pas oublier que nous étions tous très jeunes ... "
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Le 7 juin 2019, l’école primaire de Creully sur Seulles prend le nom de Cecil Newton. (photo : Ouest-France) |
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Cecil Newton |
Creully sur Seulles - Une légende méconnue : la Dame Verte
Par un soir d’automne où le ciel se nuançait déjà de cendre, Maître Pierre Josse, notable de Creully, détacha la longe de sa jument Cocotte, nouée à l’anneau de fer qui, depuis des générations, pendait au mur moussu de l’auberge du Bessin-Vert, à Bayeux. Dans un geste aussi coutumier que galant, il pinça le menton de la servante venue le reconduire jusqu’à sa carriole — geste auquel la jeune fille répondit d’une bourrade, mi-friponne, mi-méfiante — puis il se hissa dans son siège avec un grognement de vieux chêne, témoin de genoux qui ployaient plus qu’ils ne pliaient.
« En route,
ma fille », lança-t-il d’un ton bonhomme, sans tolérer la moindre objection. Et
Cocotte, créature docile à la conscience tranquille, s’ébranla sans attendre,
les sabots résonnant sur les pavés humides.
La nuit,
comme un rideau de velours criblé d’étoiles, tombait déjà lorsque Pierre Josse
marmonna : « Eh, eh… v’là la nieut qui tumbe. J’devrais être d’r’tour. Sacré
cru de Surtrain, y fait perdre le temps comme un sermon d’vicaire. »
Et tandis
qu’ils atteignaient à peine les carrières d’Esquay, il fallut allumer les
lanternes, dont les flammes tremblantes projetaient des ombres dansantes sur
les haies.
Or, maître Josse n’était pas homme à goûter les trajets nocturnes, du moins sur ce chemin-là, entre Saint-Gabriel et Creully, où serpentait la cavée des Bourguay. Les anciens du pays y colportaient des histoires... de brume et de mystère. Ils disaient qu’à la source secrète de la fontaine Verrine, surgissait parfois une vapeur étrange, diaphane et féminine, qui s’élevait lentement comme un songe, voilée de bruine, frôlant les feuillages dans un murmure de soie. On l’appelait la Dame Verte.
Elle
longeait les fossés, s’approchait des attardés, accrochait aux carrioles une
présence que nul ne savait chasser, sinon à coups de peur ou de prières. Mais
elle n’était ni spectre ni démon : plutôt une âme égarée ou un désir ancien.
Ce soir-là,
à l’instant même où la vallée cédait la place à la plaine, elle se montra.
Légère,
presque irréelle, elle surgit de l’herbage, effleurant les balises de sa robe
comme une pénitente traverse une nef. Elle avançait, mains tendues, non en
conquérante, mais en suppliante. Et Cocotte, tout à trac, reçut un coup de
fouet involontaire quand Pierre Josse fit obliquer la carriole, saisi d’une
peur qui n’avait rien de chrétien.
Mais l’apparition s’approcha encore, posa ses doigts effilés sur les montants de la voiture, comme si elle attendait qu’on l’invite. Ni menace, ni cri, une simple présence, douce et brumeuse, pareille à un rêve trop vrai.
Alors,
maître Josse, rassemblant ce qu’il lui restait de courage et de souffle, osa
parler :
« Mais enfin, que voulez-vous ? »
Point de
rire moqueur, point de cliquetis d’enfer. La Dame, d’une voix douce comme un
ruisseau entre les pierres, répondit simplement, un mot unique, comme une
goutte sur une feuille :
« Naître. »
Et elle
s’évanouit. Juste ainsi. Un souffle. Un soupir.
Pierre
Josse, stupéfait, resta figé. Non pas glacé de peur, non. Plutôt gagné par un
étrange apaisement. Il n’avait pas fui. Il avait écouté. Et, pour la première
fois, la Dame avait parlé.La source Verrine
Des années
plus tard, on perça les terres de Creully, et l’on découvrit la source Marie —
sœur profonde de Verrine et de Pelvey — née d’une nappe artésienne oubliée sous
les ruines féodales. On sut alors, trop tard pour Josse mais juste à temps pour
la légende, que ces sources avaient une âme. Une conscience douce et discrète,
qui attendait depuis des siècles, tapie sous la terre, de voir enfin la
lumière.
Car
certaines eaux ne veulent plus murmurer dans l’ombre : elles veulent naître.
Et parfois, elles viennent le demander.
Creully sur Seulles - 1982 - Le collège est inauguré.
Dans la presse :
Il n’aura pas fallu moins de quinze années pour voir aboutir le projet de construction d’un C.E.G. sur la commune de Creully. Après bien des péripéties, il allait tout de même voir le jour pour enfin être inauguré.De la réunion des maires du canton au C.E.G., il n’y avait qu’un pas à franchir, et c’est M. d’Ornano qui eut l’honneur de couper le ruban tricolore, sous les yeux de l’assistance et des élèves... sortant de classe. Ensuite, M. Clairon, principal du collège a fait visiter l’établissement construit selon le procédé Costamagna, comportant de grandes salles bien éclairées et des dégagements spacieux.Lors de son allocution, M. Corbet, maire et président du syndicat scolaire, a remercié l'architecte M. de Sèze, et les entreprises pour la parfaite réalisation de ce projet. Il rappelé qu’il avait fallu trouver près de 12 820 000 F pour financer l’opération et que sans le conseil général qui prend en charge les annuités d’emprunt, soit 69 % du coût total, il aurait été impossible d’envisager cette construction.
Enfin, l’ensemble des conseillers locaux a souhaité donner un nom à ce collège et, si la commission compétente l’autorise, il portera le nom de Jean de la Varende, écrivain normand.
Pour M. d’Ornano, la construction du collège de Creully est le résultat d’une politique importante pour le conseil général. A elle seule, elle constitue près de la moitié des remboursements d’emprunts dont le département à la charge, soit pour 1982, 20,9 millions de francs sur un total de 43,5 millions de francs. C’est également une politique originale, puisque le Calvados est un des rares départements à prendre le relais des collectivités locales dans le domaine de la construction scolaire. Le collège de Creully est ainsi le 73e établissement à bénéficier de cette aide du département.
Pour M. d’Harcourt, député, l’école, et le second cycle en particulier, est le lieu où se prépare l’avenir d’un pays, et il était normal que les élèves de Creully puissent enfin bénéficier d’un accueil et de locaux adaptés à leur besoin d'apprendre.
Une page d'histoire de vie creulloise vient d'être tournée, les bâtiments provisoires ne sont plus qu’un mauvais souvenir pour les classes du C.E.G. Il reste à souhaiter que ceux récupérés pour l’école maternelle et primaire soient en place moins longtemps.
Creully et les communes environnantes - La dentelle ou l'école !
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Un article de cette revue fut la base de mon texte. |
Dans ce seul département, on comptait, en 1851, près de 50 000 dentellières, et ce chiffre fut ensuite dépassé.
Concernant les
salaires, les enfants gagnaient de dix à quinze sous par jour, tandis que la
moyenne des ouvrières touchait environ deux francs par jour. Certaines
parvenaient même à atteindre trois, quatre, voire cinq francs.
Cette industrie
bienfaisante, très populaire et toute en grâce, était de surcroît éminemment
moralisatrice et présentait les avantages sociaux les plus sérieux.
D'abord, la nature même de ce travail s’accordait parfaitement avec les
obligations de la vie de famille. Le travail en communauté représentait la
meilleure école de fraternité et de solidarité.
Quelles pensées n’évoque pas le spectacle de ces humbles ouvrières, exécutant de luxueuses parures à la lueur tremblante d’une lampe, dans un décor misérable mais tout empreint d’évangélisme ! Et lorsqu’elles quittaient leur ouvrage pour regagner, sous la lumière glaciale de la lune, leurs chaumières sans feu,
songeaient-elles seulement que c’était l’heure où les élégantes se paraient de leur labeur ? Elles poursuivaient leur tâche sans en soupçonner la destination, dans le silence discret de leur dévouement.
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Ecole de dentelle à Cairon |
Ce travail en
commun, ces classes, ces chambres de dentelle eurent sur le développement de
cette industrie et le perfectionnement des ouvrières une influence
considérable. Elles stimulaient le zèle, encourageaient une émulation féconde,
offraient un apprentissage sérieux, et présentaient surtout l’avantage de
centraliser la production pour mieux la contrôler, voire la diriger.
« Depuis la loi de
1881, les enfants sont retenus à l’école jusqu’à treize ans. Les inspecteurs
n’autorisant pas la juxtaposition de l’enseignement professionnel à
l’enseignement primaire, les classes de dentelle ont été supprimées. Les
enfants n’ont donc pu fréquenter que les écoles primaires. Il ne subsiste
guère, dans le Calvados, plus de trois ou quatre classes de dentelle.
On peut alors juger
de ce qu’est devenu l’apprentissage. À treize ans, lorsque l’instruction est
achevée — âge où, autrefois, sept ou huit années de pratique permettaient déjà
de gagner un à deux francs par jour —, ces fillettes doivent tout apprendre d’un
métier tombé en désuétude, dont la maîtrise complète exige quatre à cinq
années. Or, à cet âge, selon les habitudes rurales, l’enfant est censé
contribuer au budget familial. Il faut pourtant sacrifier plusieurs années à
l’apprentissage d’un art précaire, dont le redressement, bien qu’espéré par
tous, reste encore très incertain.
Le goût des gains
précoces et le besoin d’un revenu immédiat détournent donc les enfants de cette
profession et les éloignent de leur village, qu’elles aiment sans doute, mais
où elles ne peuvent survivre économiquement. Ces fillettes, dont on souhaitait
relever la condition, émigrent vers les villes. Autrefois, elles eussent été
dentellières ; aujourd’hui, elles seront servantes. Ne reviendront-elles jamais
au pays quitté ? »
On précisait que
dans la région caennaise, où une enquête fut menée, cet exode des fillettes
constituait la cause principale de l’effroyable dépopulation des campagnes, ce
qui représente, pour qui sait réfléchir, un réel sujet d’inquiétude.
Dans les petites
paroisses, on ne célèbre plus guère de mariages. Pour ne citer qu’un exemple
parmi tant d'autres, depuis la crise de la dentelle, un village comme Amblie, près de Creully, a
vu sa population chuter de 700 à 300 habitants.
Le départ des enfants a brisé la vie familiale. Que deviennent alors les femmes restées sur place ? Les plus âgées, pour qui la dentelle est une habitude, continueront sans doute à en faire. Mais les femmes de trente à quarante ans,
d’habileté moyenne, considèrent qu’il est illusoire de travailler toute une journée pour gagner dix sous, tout en devant encore payer leur fil. Beaucoup préféreront ne rien faire.
La plupart
demeureront oisives, tristes, inoccupées. Et, à la campagne, un tel état
d’esprit est trop souvent la première étape vers l’alcoolisme.
Notre château de Creully a servi de décor dans une série diffusée sur France 3 Normandie, Anachroniks .
Une série fiction historique et humoristique de 4 à 6 min, proposée par France 3 Normandie qui nous transporte au XIe siècle dans notre contrée.
Nous retrouvons le château de Creully dans le troisième épisode.
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La grande salle voutée du château de Creully. |
Anachroniks - épisode 1 : La Choule
Anachroniks - épisode 2 : Le Drakkar
1866 - Les lavandières de Meuvaines "papotent" sur l'incendie de Crépon (près de Creully).
Jeannette : Dites donc, mes filles, vous avez entendu parler de ce qui s’est
passé dimanche soir à Crépon ? Un fichu incendie, qu’y paraît !
Clémence : Oh que oui ! Huit heures à peine sonnaient que déjà la grange du
sieur Basley flambait comme une torche. Et lui, c’est pas n’importe qui, hein,
c’est le charpentier du village !
Margot : Basley ? Sa grange ? Misère… Et c’est tout ce foin pour le boulanger Lécoiant qu’a pris feu ensuite, non ?
Jeannette : Exactement ! Y paraît qu’y avait pas moins de cinq mille bourrées
là-dedans ! De quoi nourrir un four à pain pour un an. Le feu, lui, n’a pas
attendu. Ça s’est mis à crépiter et à lécher les murs en un rien de temps !
Clémence : Heureusement qu’y avait pas un souffle de vent ce soir-là. Autrement,
tout le village y passait ! Tu sais bien, la grange, elle est en plein cœur du
bourg…
Margot : Ah ça, j’te le fais pas dire ! Et les secours ? Ils sont arrivés à
temps ?
Jeannette : Oh oui ! Les gendarmes, les pompiers de Creully, et même les pompes
de Ver et de Graye sont venues. Ils ont lutté ferme jusqu’à trois heures du
matin pour maîtriser la bête.
Clémence : Et les élèves du séminaire de Villiers le Sec, t’en parles ? Ils sont
venus en courant, guidés par leurs supérieurs. Des vrais braves, je te jure !
Ils ont formé la chaîne pour amener l’eau, vu qu’elle était pas tout près.
Margot : Eh ben, on les a vus, oui. Avec leurs soutanes retroussées et les
seaux à bout de bras. Même M. le curé et M. le maire étaient là, à mouiller la
chemise !
Jeannette : Et M. Le Moutier, le notaire ! Toujours à encourager les gens,
celui-là. Tout le monde a mis la main à la pâte. Pas un pour se défiler.
Clémence : Au moins, une partie des pertes est assurée, qu’on dit. Mais bon, ça
console pas tout, hein.
Margot : On raconte que ce serait dû à une imprudence... Tu parles d’un
malheur ! Ce matin, les gens de la justice de Bayeux sont venus voir sur place
pour comprendre ce qui s’est vraiment passé.
Jeannette : Faut espérer qu’ils trouvent. Parce qu’un incendie pareil, ça laisse
pas que des cendres... ça laisse aussi des soupçons.
Creully - 1924 - Au Palais de justice de Caen: incendiaire ou non?
Renvoyé par la direction de cet établissement il essaya quelque temps après, d’être réintégré dans son emploi. Ses démarches demeurèrent infructueuses. Furieux de n’avoir pu obtenir satisfaction, Lechevrier proféra, en sortant du bureau, des menaces exprimées à demi-mot.
On ne s’émut nullement de ses propos.
L’employé vindicatif était cependant bien résolu à se venger de ses anciens maîtres.
Dans la nuit du 21 juillet 1924 dernier, un bâtiment dépendant de la laiterie fut détruit par un incendie et les dégâts s’élevaient à la somme de 70 000 francs.
On l’invita à se joindre au personnel pour combattre les ravages du feu. Lechevrier balbutia quelques paroles inintelligibles et s’éloigna rapidement.
Le matin vers cinq heures, poussé par l’une de ces hantises qui ramènent souvent les criminels sur le théâtre de leurs exploits, l’incendiaire rôdait, silencieux, autour de la laiterie.
Aux gendarmes qui l’appréhendèrent, il déclara après bien des réticences, qu’il avait effectivement passé une partie de la nuit dans le grenier à foin d’où étaient parties les premières étincelles.
Il ajouta qu’ayant cherché un endroit pour s’étendre, il avait enflammé une allumette qui, en tombant, mit le feu aux bottes de foin mais que l’incendie était dû à une simple imprudence de sa part.
Dans un nouvel interrogatoire, Lechevrier désigna comme l’auteur probable du sinistre un employé de la laiterie Paillaud.
Malgré les charges accablantes réunies contre lui, l’accusé s’est constamment refusé à faire l’aveu de sa culpabilité.
Lechevrier n’a pas d’antécédents judiciaires et les renseignements recueillis sur son compte ne sont pas défavorables.
Au cours de son interrogatoire, l’accusé maintient son système de défense. Les témoins entendus n’ont apporté aucun fait nouveau.
Après le réquisitoire de Maître Lecoufle et une brillante plaidoirie de Maître Chauveau, le jury rapporte un verdict négatif et la Cour acquitte Lechevrier.
(Le nom de l'accusé a été changé)
C'est certainement dans ce bâtiment que l'incendie se déclara.