Le sieur de Juaye et le privilège de Saint Romain.

St Romain à Rouen

Le privilège de saint Romain permettait au chapitre de la cathédrale de Rouen de gracier chaque année un condamné à mort le jour de l’Ascension.  Son origine fait partie de la légende de Saint Romain.
Saint Romain, évêque de Rouen au temps de Dagobert (629 - 639), décida de dompter un monstre des eaux, la Gargouille, qui désolait les marais de la rive gauche. Il demanda un compagnon et seul un condamné à mort accepta. Saint Romain passa son étole au cou de la Gargouille, et elle fut menée à la ville, tenue ainsi en laisse par le condamné à mort. Celui-ci fut gracié. Dagobert (ou son fils Clovis II) donna à l'évêque de Rouen Saint Ouen et à ses successeurs le privilège de gracier un condamné chaque année.


Gilles Baignart, un brigand du Bessin sauvé...

En l’an de grâce 1526, le chapitre des chanoines de la cathédrale de Rouen, dans un geste d’une clémence troublante, accorda le pardon à l’un des êtres les plus décriés de notre province qui toucha la fierté (châsse) de saint Romain. C'était le jour de l’Ascension, et pourtant ce fut un homme tombé bien bas que l’on releva : Gilles Baignart, seigneur de Juaye, village proche de Bayeux.

À vingt-quatre ans à peine, il était déjà chargé d’une réputation qui aurait fait rougir les plus endurcis. Si sa jeunesse plaidait en faveur d’une certaine indulgence, elle glaçait aussi le sang : car si jeune, et déjà aussi corrompu, aussi violent, aussi cruel. Originaire du diocèse de Lisieux, Gilles Baignart n’était plus, depuis longtemps, un simple jeune homme égaré. Depuis huit ans, il avait embrassé la vie d’aventurier, sillonnant la Picardie, franchissant les montagnes, au service du roi, mais surtout au service de la guerre et du pillage.

Juaye était sirué dans une enclage du diocèse de Lisieux dans celui de Bayeux

Les « aventuriers » – une milice sans foi ni loi – étaient redoutés comme des fauves. Une ordonnance royale de 1523 les dépeignait sans détour : voleurs, assassins, violeurs, dévastateurs de villages, fléaux des campagnes. Rabelais lui-même les peignait avec verve, saccageant récoltes, églises, fermes et bétails, n’épargnant ni riche ni pauvre.

Gilles Baignart était l’un d’eux, et il en incarnait la démesure.

Le démon s’éveilla dans sa propre maison. Lorsque sa mère, dame Marie de Courseulles, épousa en secondes noces un certain sieur de Chantelou, Gilles, à peine âgé de vingt ans, s’insurgea. Il accusa le nouveau couple de lui dérober l’héritage de son défunt père, et dès lors, ne cessa de les menacer et de les accabler. Un jour, à Port (Port en Bessin), non loin de Bayeux, il tendit une embuscade à un sergent royal venu lui porter un acte de sauvegarde obtenu par Chantelou. Gilles le blessa d’un coup d’épée, et le poursuivit avec rage jusqu’aux portes de Caen.



Mais ce n’était qu’un prélude.

Peu après, il revint en force, escorté de soudards – Raoulin Baudet, Henry Langloys, Jehan le Chevalier et bien d’autres. Ensemble, ils assiégèrent la demeure de sa mère. Chantelou, barricadé dans une chambre, résista. L’arrivée providentielle de l’abbé de Mondaye et de voisins pieux apaisa les esprits. Chantelou et son épouse durent s’exiler à l’abbaye de Mondaye. Baignart, lui, prit possession de la maison de Courseulles.

Mais la justice ne l’avait pas oublié. Un décret de capture fut lancé. Une troupe de sergents fut envoyée. Baignart, épaulé de ses compagnons armés d’arquebuses et d’arbalètes, les repoussa jusqu’aux portes de Bayeux.

Puis, défiant toute loi divine ou humaine, il attaqua l’abbaye elle-même. Brisant les portes, il emporta deux charretées de blé, sans se soucier d’en connaître le véritable propriétaire. Dans la mêlée, un homme d’église fut blessé du pommeau de son épée, un moine fut jeté dans le fumier.

Le témoin de ces sacrilèges, interrogé par les autorités à la demande de l’abbé, n’eut pas longtemps à vivre. Trouvé dans le cimetière de Juaye, il fut frappé d’un coup d’épée en pleine poitrine. Mort.

Et pourtant… Baignart obtint une rémission, une grâce, sur une route au sud. Il se constitua prisonnier pour mieux faire valoir des lettres de clémence. Mais les officiers du roi les contredirent. Qu’importe : des gentilshommes du pays intercédèrent, et Baignart fut élargi, à condition de se représenter à la justice . Il s’y refusa.

Le brigand reprit ses méfaits. À l’Hôtellerie, près de Lisieux, dans l’auberge où pend une corne de cerf, ses valets, prétextant une chasse aux pies, massacrèrent les poules du village. Le lieutenant du vicomte, tenant audience ce jour-là, fit arrêter les chevaux de Baignart. Ce dernier répliqua en chef de guerre : avec une bande d’aventuriers, il chargea les villageois armés. Une centaine furent blessés, un mourut.


Le sénéchal de Normandie, alerté, envoya un prévôt des maréchaux, Floquet, accompagné de dix-huit archers. Baignart, prévenu, se rua sur eux à l’auberge de « L’Écu de France », dans les faubourgs de Bayeux. Il les blessa, les pourchassa jusqu’à la cathédrale. Floquet s’enfuit. En réponse, cinq cents hommes furent envoyés pour capturer l’insaisissable criminel. Mais Baignart s’était volatilisé.

Il tenta en vain d’obtenir la grâce royale. Ni ses amis, ni même le Vendredi Saint, ne purent fléchir le roi. En chemin, il tua un homme, Pierre Montrichard, pour une querelle liée à une ancienne maîtresse. À Blay, il marcha de nuit, sans lanterne. Le guet voulut l’arrêter. Il résista. Avec lui étaient plusieurs hommes de sang : Guillaume de Chantereau, fils de l’armurier du roi ; Le Petit Denys ; La Mote, laquais royal ; Henry, valet de Monseigneur de Saint-Pol. Ensemble, ils tuèrent un garde du nom de Desgranges.

Et ce n’était pas fini.

Au village de Longueraye, les habitants tentèrent de l’arrêter. Une femme, tenant un enfant dans ses bras, lui saisit les cheveux. En se débattant, Baignart frappa l’enfant, qui mourut deux jours plus tard.

À Bayeux, il força une prostituée, Guillemette Guendon, à le suivre. Elle refusa. Il la traîna de force dans une chambre, et abusa d’elle.

Enfin, avec la complicité de soldats logés chez lui, il facilita le viol d’une femme mariée, épouse d’un certain Jehan Viel, sous prétexte qu’elle aurait eu des rapports avec un prêtre. Viel s’enfuit, et sa femme fut livrée aux soldats. Ces soldats furent plus tard exécutés.

Mais lui… Gilles Baignart, l’homme que les chanoines de Rouen gracièrent, ce jour de l’Ascension… survécut.

Sources:
"Essais historique sur l'abbaye de Juaye-Mondaye" par le P. Godefroy Madeleine (1874)
 "Histoire du Privilège de Saint Romain" par A.Floquet (1833)

Creully - L'école et de grands souvenirs.

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1938 - La mobilisation générale à Creully dans la presse allemande

Septembre 1938

Emotion à Creully après une méprise des gendrarmes de la localité.
Ayant mal compris une communication  téléphonique, au lieu d'apposer l'affiche convoquant certains réservistes ont apposé celle de la mobilisation générale.

Vu dans la presse allemande

 

Mobilité énergétique à Creully

Les mesures de sécurité du gouvernement français ont été menées de manière exemplaire et dans un calme absolu. Il n'y avait qu'un seul endroit où il y avait une excitation considérable, mais cet endroit n'a pas une grande importance pour la France. C'est un tout petit village, la commune de Creully en Normandie près de Caen. Le gendarme du village, comme toutes les autres autorités, avait reçu l'ordre par téléphone de poser des affiches annonçant l'appel des réservistes. Dans son excitation, il a soit mal compris cet ordre téléphonique, soit confondu les différentes affiches de mobilisation qui étaient naturellement disponibles. Quoi qu'il en soit, les paysans de Creully apprirent le lendemain matin que la mobilisation générale avait été décrétée. Comme il se devait, ils se mirent immédiatement en route, avec leurs voitures et leurs chevaux, certains même avec leur bétail, comme l'aurait exigé une mobilisation générale. Ils arrivèrent en cortège fermé à Caen, où cela causa naturellement le plus grand émoi, et ils ne furent pas peu surpris d'être les seuls de toute la région à avoir obéi à l'ordre. La reconnaissance suivit bientôt, bien sûr, et les paysans de Creully repartirent, rassurés.

Autres articles sur le même sujet :

Septembre 1938 - Gendarmerie de Creully - Mobilisation Générale...

Creully sur Seulles - Creully à la "une" du Canard enchaîné en 1938

1758- Les milices garde-côtes de notre littoral - Retrouvez nos paroisses.

 

En 1757, en pleine guerre de Sept Ans (1756-1763), la surveillance des côtes françaises, notamment en Normandie, était une préoccupation stratégique majeure pour le royaume de France. À cette époque, il n’existait pas encore de corps unifié de « garde-côtes » comme on pourrait l’imaginer aujourd’hui.

La France est en guerre contre la Grande-Bretagne. Les côtes françaises sont donc sous la menace constante de raids ou de débarquements britanniques.

La Normandie, située en face des côtes anglaises, est particulièrement vulnérable. Les Anglais ont mené plusieurs incursions sur le littoral normand et breton pendant ce conflit.



Les moyens de défense côtière :

Les Milices garde-côtes

  • Créées dès le XVIIe siècle sous Colbert, elles sont composées de paysans et pêcheurs enrôlés localement, souvent sur une base obligatoire.
  • Ces hommes étaient organisés en compagnies réparties par paroisses ou communes littorales.
  • Leur mission : surveiller les côtes, signaler les navires ennemis et participer à la défense en cas de débarquement.
  • Ils n’étaient pas des soldats professionnels, mais avaient un entraînement sommaire et étaient équipés par l’État ou par leurs moyens.

Les Troupes régulières

  • Des détachements de l’armée régulière étaient aussi stationnés dans des villes comme Cherbourg, Le Havre, Granville ou Dieppe pour renforcer la défense.
  • Des batteries côtières (petits forts ou redoutes) étaient tenues par des artilleurs.

La Marine royale et service des classes

  • La Marine royale, basée notamment à Brest, pouvait intervenir au large mais avait un rôle plus stratégique.
  • Le système des classes mobilisait les marins pour la flotte de guerre, mais certains pouvaient être affectés à des missions côtières.
Les Milices garde-côtes de notre littoral :

Notons que notre province de Normandie était divisée en trois départements : Haute, Moyenne et Basse Normandie.




Juin 1858 - Dans nos cantons, le ciel comme une bête déchaînée.

 

Le mercredi 6 juin 1858 s’ouvrit sur un silence lourd, presque solennel. Bayeux et les terres paisibles du Bessin suffoquaient sous une chaleur accablante, comme si le ciel retenait son souffle, préparant en secret l’inexorable courroux de la tempête. L’air vibrait d’une tension muette, les feuillages étaient immobiles, et le moindre bruit semblait résonner à l’infini, suspendu dans une attente étouffante.

Puis, à l’heure où le jour commence à s’incliner, un fracas déchirant éclata. Le ciel s’ouvrit comme une plaie vive, vomissant d’un seul coup tonnerres, éclairs et flots furieux. La pluie s’abattit avec la rage d’un dieu offensé. En un clin d’œil, les rues se changèrent en torrents sauvages, indomptables, et les hommes, impuissants, regardaient l’eau engloutir les pavés, les seuils, les chemins familiers.

Mais la pluie n’était qu’un prélude.

Bientôt, le ciel, dans une furie plus grande encore, fit pleuvoir non plus de l’eau, mais des pierres de glace, énormes, brutales, d’une blancheur aveuglante. Elles s’écrasèrent sur les toitures, pulvérisèrent les vitres, éventrèrent les serres. Les jardins, jadis calmes et féconds, furent saccagés, comme passés au fil d’une invisible épée. Fleurs et légumes, dans un dernier soupir, se couchèrent sous les coups implacables. Même l’hirondelle, messagère du ciel, fut frappée net, son corps frêle brisé dans un ultime vol tragique.

Partout, les foyers pleuraient. Les ardoises jonchaient les sols, les vitres n’étaient plus que dentelles brisées, et des morceaux de plâtre pendaient aux plafonds comme les lambeaux d’un monde en ruine. On se murmurait dans Bayeux que jamais mémoire d’homme n’avait vu semblable désolation.

Et ce fléau ne s’était pas contenté de la ville.

Il s’était étendu, comme une bête déchaînée, sur les cantons voisins : Balleroy, Tilly, Ryes, Creully… Là, sur une terre labourée par les cieux, une femme âgée, humble gardienne de sa vache, fut frappée par la foudre. Elle s’effondra sans un cri, fauchée dans une solitude tragique. Sa bête, projetée comme une poupée par une main invisible, gisait plus loin, tremblante et muette, à jamais marquée.

À Creully, un glaçon gigantesque, large comme un poing d’homme, fut retrouvé : preuve muette de la colère des cieux. Et pourtant, dans cette mer de larmes et de décombres, une lueur : les récoltes, disait-on, n’étaient pas entièrement perdues. La nature, blessée mais vivante, semblait prête à se relever.

Mais les pommiers, eux, pleuraient déjà leur floraison volée, leurs branches nues tendues vers un ciel qui ne répondait plus.

Les épiceries des cantons de Creully et Ryes en 1891

Une publicité des années 1890, le chocolat Menier, dans les épiceries des cantons de Creully et de Ryes.

Canton de CREULLY
 

Canton de RYES


Creully sur Seulles - Cecil Newton, un de nos libérateurs de juin 44 est décédé

HOMMAGE A LUI

Le 3 juin 1944, Cecil Newton était l'un des nombreux jeunes hommes embarqués à bord d'un navire à Lepe Beach, dans le Hampshire.
Beaucoup ne devaient pas revenir. 
 Cecil Newton raconte:
"Ils ont mis en place un chapiteau avec des cartes et des instructions écrites sur ce qui allait se passer le jour J - mais ils n’ont pas donné le lieu exact, bien sûr.
Des rangées de tentes et de chars ont été livrées là-bas, au bas de la colline. Mon temps se passait à déballer les tentes et à préparer les chars pour l'action.
Le 3 juin, par une journée très ensoleillée, le sergent-major de l'escadron a marché sur les chars de débarquement avec son bloc-notes sous le bras.
Le soir venu, le temps était devenu affreux et nous étions retardés d'un jour. Nous avons traversé des conditions météorologiques extrêmement difficiles et sommes tombés très malades sur les plages du débarquement. "

Cecil et le 4 / 7ème Royal Dragoon Guards furent les premiers chars à débarquer sur Gold Beach à 7h20 le 6 juin 1944.

Le 6 juin 1944, 6483 navires, dont 4222 péniches de débarquement et cargos, transportèrent du sud de l'Angleterre trois millions de soldats avec deux millions de tonnes de matériel allant de la jeep à l'artillerie lourde de l'autre côté de la Manche.

Les 4e/7e Royal Dragoon Guards au camp Heveningham, Suffolk en 1943. ( Photo : newburytoday)
Opération "Overlord" était le nom de code de l'opération de débarquement dans son ensemble.

"Gold Beach" est le nom de la plage d'atterrissage où le 4ème / 7ème Royal Dragoon Guards, un régiment blindé aux racines traditionnelles de la cavalerie britannique, devait attaquer le mur de l'Atlantique de Hitler. "Nous étions tous bien entraînés et très tendus quant à ce à quoi nous attendre," rapporte Newton, "mais nous n’avons pas peur. Il ne faut pas oublier que nous étions tous très jeunes ... "

En route pour libérer Creully, la Normandie et la France...

Le 7 juin 2019, l’école primaire de Creully sur Seulles prend le nom de Cecil Newton. (photo : Ouest-France)

Cecil Newton 


Creully sur Seulles - Une légende méconnue : la Dame Verte

 

Par un soir d’automne où le ciel se nuançait déjà de cendre, Maître Pierre Josse, notable de Creully, détacha la longe de sa jument Cocotte, nouée à l’anneau de fer qui, depuis des générations, pendait au mur moussu de l’auberge du Bessin-Vert, à Bayeux. Dans un geste aussi coutumier que galant, il pinça le menton de la servante venue le reconduire jusqu’à sa carriole — geste auquel la jeune fille répondit d’une bourrade, mi-friponne, mi-méfiante — puis il se hissa dans son siège avec un grognement de vieux chêne, témoin de genoux qui ployaient plus qu’ils ne pliaient.


« En route, ma fille », lança-t-il d’un ton bonhomme, sans tolérer la moindre objection. Et Cocotte, créature docile à la conscience tranquille, s’ébranla sans attendre, les sabots résonnant sur les pavés humides.

La nuit, comme un rideau de velours criblé d’étoiles, tombait déjà lorsque Pierre Josse marmonna : « Eh, eh… v’là la nieut qui tumbe. J’devrais être d’r’tour. Sacré cru de Surtrain, y fait perdre le temps comme un sermon d’vicaire. »

Et tandis qu’ils atteignaient à peine les carrières d’Esquay, il fallut allumer les lanternes, dont les flammes tremblantes projetaient des ombres dansantes sur les haies.

Or, maître Josse n’était pas homme à goûter les trajets nocturnes, du moins sur ce chemin-là, entre Saint-Gabriel et Creully, où serpentait la cavée des Bourguay. Les anciens du pays y colportaient des histoires... de brume et de mystère. Ils disaient qu’à la source secrète de la fontaine Verrine, surgissait parfois une vapeur étrange, diaphane et féminine, qui s’élevait lentement comme un songe, voilée de bruine, frôlant les feuillages dans un murmure de soie. On l’appelait la Dame Verte.


Elle longeait les fossés, s’approchait des attardés, accrochait aux carrioles une présence que nul ne savait chasser, sinon à coups de peur ou de prières. Mais elle n’était ni spectre ni démon : plutôt une âme égarée ou un désir ancien.

Ce soir-là, à l’instant même où la vallée cédait la place à la plaine, elle se montra.

Légère, presque irréelle, elle surgit de l’herbage, effleurant les balises de sa robe comme une pénitente traverse une nef. Elle avançait, mains tendues, non en conquérante, mais en suppliante. Et Cocotte, tout à trac, reçut un coup de fouet involontaire quand Pierre Josse fit obliquer la carriole, saisi d’une peur qui n’avait rien de chrétien.

Mais l’apparition s’approcha encore, posa ses doigts effilés sur les montants de la voiture, comme si elle attendait qu’on l’invite. Ni menace, ni cri, une simple présence, douce et brumeuse, pareille à un rêve trop vrai.


Alors, maître Josse, rassemblant ce qu’il lui restait de courage et de souffle, osa parler :
« Mais enfin, que voulez-vous ? »

Point de rire moqueur, point de cliquetis d’enfer. La Dame, d’une voix douce comme un ruisseau entre les pierres, répondit simplement, un mot unique, comme une goutte sur une feuille :
« Naître. »

Et elle s’évanouit. Juste ainsi. Un souffle. Un soupir.

Pierre Josse, stupéfait, resta figé. Non pas glacé de peur, non. Plutôt gagné par un étrange apaisement. Il n’avait pas fui. Il avait écouté. Et, pour la première fois, la Dame avait parlé.

La source Verrine

Des années plus tard, on perça les terres de Creully, et l’on découvrit la source Marie — sœur profonde de Verrine et de Pelvey — née d’une nappe artésienne oubliée sous les ruines féodales. On sut alors, trop tard pour Josse mais juste à temps pour la légende, que ces sources avaient une âme. Une conscience douce et discrète, qui attendait depuis des siècles, tapie sous la terre, de voir enfin la lumière.

Car certaines eaux ne veulent plus murmurer dans l’ombre : elles veulent naître.
Et parfois, elles viennent le demander.


Creully sur Seulles - 1982 - Le collège est inauguré.

 

Dans la presse :

Il n’aura pas fallu moins de quinze années pour voir aboutir le projet de construction d’un C.E.G. sur la commune de Creully. Après bien des péripéties, il allait tout de même voir le jour pour enfin être inauguré.
De la réunion des maires du canton au C.E.G., il n’y avait qu’un pas à franchir, et c’est M. d’Orna­no qui eut l’honneur de couper le ruban tricolore, sous les yeux de l’assistance et des élèves... sor­tant de classe. Ensuite, M. Clai­ron, principal du collège a fait visi­ter l’établissement construit selon le procédé Costamagna, compor­tant de grandes salles bien éclai­rées et des dégagements spa­cieux.


Lors de son allocution, M. Corbet, maire et président du syndi­cat scolaire, a remercié l'architec­te M. de Sèze, et les entreprises pour la parfaite réalisation de ce projet. Il rappelé qu’il avait fallu trouver près de 12 820 000 F pour financer l’opération et que sans le conseil général qui prend en char­ge les annuités d’emprunt, soit 69 % du coût total, il aurait été impossible d’envisager cette construction.
Enfin, l’ensemble des conseil­lers locaux a souhaité donner un nom à ce collège et, si la commis­sion compétente l’autorise, il por­tera le nom de Jean de la Varende, écrivain normand.
Pour M. d’Ornano, la construc­tion du collège de Creully est le résultat d’une politique importante pour le conseil général. A elle seule, elle constitue près de la moitié des remboursements d’em­prunts dont le département à la charge, soit pour 1982, 20,9 mil­lions de francs sur un total de 43,5 millions de francs. C’est éga­lement une politique originale, puisque le Calvados est un des rares départements à prendre le relais des collectivités locales dans le domaine de la construc­tion scolaire. Le collège de Creully est ainsi le 73e établissement à bénéficier de cette aide du dépar­tement.

Pour M. d’Harcourt, député, l’é­cole, et le second cycle en parti­culier, est le lieu où se prépare l’avenir d’un pays, et il était nor­mal que les élèves de Creully puissent enfin bénéficier d’un ac­cueil et de locaux adaptés à leur besoin d'apprendre.
Une page d'histoire de vie creulloise vient d'être tournée, les bâtiments provisoires ne sont plus qu’un mauvais souvenir pour les classes du C.E.G. Il reste à sou­haiter que ceux récupérés pour l’école maternelle et primaire soient en place moins longtemps.


Creully sur Seulles - Les joueurs de foot de Creully en 1937.

Peut-être allez-vous retrouver les noms des joueurs manquants.



Creully et les communes environnantes - La dentelle ou l'école !

 

Un article de cette revue fut la base de mon texte.
La dentelle aux fuseaux fut longtemps l’industrie la plus florissante de la Basse-Normandie. Sa fabrication s’exerçait principalement dans le Calvados, notamment dans de nombreuses localités autour de Creully.

Dans ce seul département, on comptait, en 1851, près de 50 000 dentellières, et ce chiffre fut ensuite dépassé.

Concernant les salaires, les enfants gagnaient de dix à quinze sous par jour, tandis que la moyenne des ouvrières touchait environ deux francs par jour. Certaines parvenaient même à atteindre trois, quatre, voire cinq francs.

Cette industrie bienfaisante, très populaire et toute en grâce, était de surcroît éminemment moralisatrice et présentait les avantages sociaux les plus sérieux.
D'abord, la nature même de ce travail s’accordait parfaitement avec les obligations de la vie de famille. Le travail en communauté représentait la meilleure école de fraternité et de solidarité.

Quelles pensées n’évoque pas le spectacle de ces humbles ouvrières, exécutant de luxueuses parures à la lueur tremblante d’une lampe, dans un décor misérable mais tout empreint d’évangélisme ! Et lorsqu’elles quittaient leur ouvrage pour regagner, sous la lumière glaciale de la lune, leurs chaumières sans feu,


songeaient-elles seulement que c’était l’heure où les élégantes se paraient de leur labeur ? Elles poursuivaient leur tâche sans en soupçonner la destination, dans le silence discret de leur dévouement.

Ecole de dentelle à Cairon

Ce travail en commun, ces classes, ces chambres de dentelle eurent sur le développement de cette industrie et le perfectionnement des ouvrières une influence considérable. Elles stimulaient le zèle, encourageaient une émulation féconde, offraient un apprentissage sérieux, et présentaient surtout l’avantage de centraliser la production pour mieux la contrôler, voire la diriger.

Dans les années 1880, on écrivait que la crise de la dentelle, aggravée de façon encore insoupçonnée par les nouvelles tendances de l’enseignement primaire, avait presque entièrement ruiné l’apprentissage de cet art :

« Depuis la loi de 1881, les enfants sont retenus à l’école jusqu’à treize ans. Les inspecteurs n’autorisant pas la juxtaposition de l’enseignement professionnel à l’enseignement primaire, les classes de dentelle ont été supprimées. Les enfants n’ont donc pu fréquenter que les écoles primaires. Il ne subsiste guère, dans le Calvados, plus de trois ou quatre classes de dentelle.

On peut alors juger de ce qu’est devenu l’apprentissage. À treize ans, lorsque l’instruction est achevée — âge où, autrefois, sept ou huit années de pratique permettaient déjà de gagner un à deux francs par jour —, ces fillettes doivent tout apprendre d’un métier tombé en désuétude, dont la maîtrise complète exige quatre à cinq années. Or, à cet âge, selon les habitudes rurales, l’enfant est censé contribuer au budget familial. Il faut pourtant sacrifier plusieurs années à l’apprentissage d’un art précaire, dont le redressement, bien qu’espéré par tous, reste encore très incertain.

Le goût des gains précoces et le besoin d’un revenu immédiat détournent donc les enfants de cette profession et les éloignent de leur village, qu’elles aiment sans doute, mais où elles ne peuvent survivre économiquement. Ces fillettes, dont on souhaitait relever la condition, émigrent vers les villes. Autrefois, elles eussent été dentellières ; aujourd’hui, elles seront servantes. Ne reviendront-elles jamais au pays quitté ? »

On précisait que dans la région caennaise, où une enquête fut menée, cet exode des fillettes constituait la cause principale de l’effroyable dépopulation des campagnes, ce qui représente, pour qui sait réfléchir, un réel sujet d’inquiétude.

Dans les petites paroisses, on ne célèbre plus guère de mariages. Pour ne citer qu’un exemple parmi tant d'autres, depuis la crise de la dentelle, un village comme Amblie, près de Creully, a vu sa population chuter de 700 à 300 habitants.

Le départ des enfants a brisé la vie familiale. Que deviennent alors les femmes restées sur place ? Les plus âgées, pour qui la dentelle est une habitude, continueront sans doute à en faire. Mais les femmes de trente à quarante ans,


d’habileté moyenne, considèrent qu’il est illusoire de travailler toute une journée pour gagner dix sous, tout en devant encore payer leur fil. Beaucoup préféreront ne rien faire.

La plupart demeureront oisives, tristes, inoccupées. Et, à la campagne, un tel état d’esprit est trop souvent la première étape vers l’alcoolisme.









En 1903, la municipalité de Creully encourageait les cours de dentelles.






Notre château de Creully a servi de décor dans une série diffusée sur France 3 Normandie, Anachroniks .

La série "Anachroniks, a été tournée en grande partie à Ornavik, le parc historique "Des Vikings aux Normands", à Hérouville-Saint-Clair. 

Une série fiction historique et humoristique de 4 à 6 min, proposée par France 3 Normandie qui nous transporte au XIe siècle dans notre contrée.




Nous retrouvons le château de Creully dans le troisième épisode.

La grande salle voutée du château de Creully.

Anachroniks - épisode 1 : La Choule

Anachroniks - épisode 2 : Le Drakkar

Anarchoniks - épisode 3 : La Féodalité

Anachroniks - épisode 4 : Les Reliques

1866 - Les lavandières de Meuvaines "papotent" sur l'incendie de Crépon (près de Creully).

 


Jeannette : Dites donc, mes filles, vous avez entendu parler de ce qui s’est passé dimanche soir à Crépon ? Un fichu incendie, qu’y paraît !

Clémence : Oh que oui ! Huit heures à peine sonnaient que déjà la grange du sieur Basley flambait comme une torche. Et lui, c’est pas n’importe qui, hein, c’est le charpentier du village !

Margot : Basley ? Sa grange ? Misère… Et c’est tout ce foin pour le boulanger Lécoiant qu’a pris feu ensuite, non ?

Jeannette : Exactement ! Y paraît qu’y avait pas moins de cinq mille bourrées là-dedans ! De quoi nourrir un four à pain pour un an. Le feu, lui, n’a pas attendu. Ça s’est mis à crépiter et à lécher les murs en un rien de temps !

Clémence : Heureusement qu’y avait pas un souffle de vent ce soir-là. Autrement, tout le village y passait ! Tu sais bien, la grange, elle est en plein cœur du bourg…

Margot : Ah ça, j’te le fais pas dire ! Et les secours ? Ils sont arrivés à temps ?

Jeannette : Oh oui ! Les gendarmes, les pompiers de Creully, et même les pompes de Ver et de Graye sont venues. Ils ont lutté ferme jusqu’à trois heures du matin pour maîtriser la bête.

Clémence : Et les élèves du séminaire de Villiers le Sec, t’en parles ? Ils sont venus en courant, guidés par leurs supérieurs. Des vrais braves, je te jure ! Ils ont formé la chaîne pour amener l’eau, vu qu’elle était pas tout près.

Margot : Eh ben, on les a vus, oui. Avec leurs soutanes retroussées et les seaux à bout de bras. Même M. le curé et M. le maire étaient là, à mouiller la chemise !

Jeannette : Et M. Le Moutier, le notaire ! Toujours à encourager les gens, celui-là. Tout le monde a mis la main à la pâte. Pas un pour se défiler.

Clémence : Au moins, une partie des pertes est assurée, qu’on dit. Mais bon, ça console pas tout, hein.

Margot : On raconte que ce serait dû à une imprudence... Tu parles d’un malheur ! Ce matin, les gens de la justice de Bayeux sont venus voir sur place pour comprendre ce qui s’est vraiment passé.

Jeannette : Faut espérer qu’ils trouvent. Parce qu’un incendie pareil, ça laisse pas que des cendres... ça laisse aussi des soupçons.