"La crédulité la plus stupide ne cesse de
régner au sein de la plupart de nos communes", notait un journal de
l'arrondissement.
En voici un nouvel exemple :
Un certain Ernest F..., ouvrier
journalier, quittait une ferme d'un village voisin de Creully, où il
travaillait, avant-hier soir pour retourner chez lui. Après avoir entendu des
commérages pendant un certain temps et écouté d'obscures histoires de fantômes,
le pauvre homme avait la tête remplie et perturbée par d'innombrables bruits
infernaux. Soudain, dans l'obscurité, il aperçoit une scène étrange.

Une
masse imposante s'agite, et il croit voir le diable armé de longues cornes,
tirant derrière lui une femme attachée par les mains, qu'on conduit
probablement vers la grande chaudière où les mécréants sont censés cuire ;
voilà notre malheureux Ernest terrifié au plus haut point.
Il court d'un
bond jusqu'à la ferme et raconte, tout palpitant, les événements horribles
qu'il vient de voir. Plusieurs personnes se mettent en marche, munies de
fourches, de bâtons et de pelles, et se lancent à la poursuite du prétendu
fantôme.
Lorsqu'on
observe les choses de plus près, l'horrifique se transforme en hilarité : le
seigneur Satan n'était autre qu'un âne fringant qui s'était échappé de son
écurie pour profiter d'une escapade nocturne... Quant à la femme, elle était
simplement la propriétaire de l'âne, le tenant par la queue pour le ramener
plus facilement à l'étable... Depuis cet épisode, Ernest est devenu la risée du
village, et on raconte même qu'une jeune fille qui l'avait accepté en mariage a
retiré sa parole, ne souhaitant pas épouser un homme si naïf et si peureux.
Cela
montre à quel point les caprices intempestifs d'un baudet peuvent causer des
désordres inattendus.