Ouest-France de ce mercredi 28 décembre pose une question sur un éventuel souterrain entre la ville normande et le château de Creully. Vous pouvez retrouver mes articles en "cliquant" sur les titres ci-dessous.
INTERIOR OF THE CHURCH OF CREULLY
From the days of the Earl of Glocester to the breaking out of the French revolution, the barony of Creully continued to be held by different noble families. In the early part of the eighteenth century, when Masseville published his work, it was in the hands of the heirs of M. de Seigneley-Colbert, who likewise possessed other considerable domains in Normandy. The last that had the title was a member of the family of Montmorenci.—His emigration caused the estate to be confiscated, and sold as national property; but the baronial castle is now standing, and displays, in two of its towers, and in a chimney of unusual form, a [111] portion of its ancient character. The rest of the building is modernized into a spruce, comfortable residence, which, in 1818, was occupied by an English general of the name of Hodgson.[203]
The writer of this article has met with no records connected with the church of Creully.—Externally, it is wholly modernized; but within, the nave, side-aisles, and choir, are all purely Norman, except at the extremities. The piers are very massy; the arches wide and low; the capitals covered with rude, but remarkable sculpture, which is varied on every pillar; and the walls are of extraordinary thickness.
Creully - En pleine révolution 1793
La Société populaire de Creully, district de Caen, annonce à la Convention nationale que tous les tableaux et autres objets portant des signes et effigies de féodalité, de royalisme et de tyrannie, qui se trouvaient encore dans le château du ci-devant Montmorency, ont été brûlés au milieu des applaudissements de tous les citoyens, et que les jeunes citoyens du canton de Creully attendent avec impatience le moment de se mesurer avec les satellites des despotes.
Suit la lettre de la Société- populaire de Creully
A la Convention nationale.
Creully, département du Calvados, district de Caen,
le 30 septembre 1793, l'an II de la République une et indivisible.
« Depuis longtemps la Société patriotique du bourg de Creully attendait les effets de la lutte qui régnait entre les braves de la Montagne et les lâches de la plaine; elle craignait que le résultat ne fût le bouleversement de tout l'ordre des choses; elle craignait que le feu de la guerre civile ne se répandît, comme un torrent désastreux, sur toutes les parties de la République; elle craignait de voir couler le sang des patriotes ; elle craignait enfin de voir finir avec leur vie, le règne de la liberté. Que disons-nous !... Ils ne devaient pas périr : de fiers montagnards, comme des dieux tutélaires, veillaient sur leur destinée, et en les arrachant du précipice creusé sous leurs pas, nous osons le prédire, les chaînes dont les despotes serrent encore les bras des peuples, seront brisées et serviront à écraser leurs têtes coupables, et à faire disparaître pour jamais tout pouvoir tyrannique.
« Généreux défenseurs, vous qui avez tiré la France des mains de la tyrannie et de l'esclavage pour la mettre sous le règne de la liberté et de l'égalité, quelle reconnaissance ne vous devons-nous pas ? Quelle reconnaissance ne vous doivent pas tous les hommes? Oui, citoyens, vous avez bien mérité de l'univers entier.
« Puisque vous seuls êtes vraiment les amis du peuple, que vous seuls avez la force de le rendre heureux; frappez, frappez les restes de la tyrannie, de l'aristocratie; servez-vous de tous les moyens qui sont en votre pouvoir pour écraser, anéantir ceux qui s'y opposeraient, tous les royalistes, les fédéralistes, tous ceux enfin qui travaillent au rétablissement du trône et à l’asservissement des peuples.
« Citoyens, d'après une demande de notre société et l'arrêté de la municipalité de Creully, une chasse qui était à l'entrée du château fort du bourg, actuellement démantelé, une chasse, emblème du despotisme, a été renversée, brisée et foulée aux pieds. Des portraits de comtes, de marquis, de ducs, de rois, tous les signes et effigies de la féodalité, du royalisme et de la tyrannie qui étaient encore dans le château du ci-devant Montmorency, tout a été brûlé au pied de l’arbre de la liberté, au son du tambour, de l'air Ça ira, enfants de la Patrie, et de la danse de la carmagnole. Tous les membres, de notre société, le conseil général de la commune, le tribunal de paix et la garde nationale de Creully étaient présents à cette cérémonie.
« Les citoyens de la première réquisition de notre canton brûlent du feu sacré de la liberté et attendent avec impatience le moment de se mesurer avec les despotes coalisés; ceux du bourg se sont présentés en cette société et y ont juré de combattre et de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang, de ne mettre bas les armes que lorsque la République soit vengée des attentats commis envers elle et que son sol soit purgé des royalistes, fédéralistes, muscadins et généralement de tous les ennemis de l'ordre public. Ils sont prêts à partir au premier signal.
« Citoyens, contents de votre travail et de votre énergie, notre société vous invite de rester à votre poste jusqu'à ce que la paix soit établie. Depuis le règne de la Montagne, chez nous l'aristocratie est aux abois. Encore un dernier effort et elle disparaîtra du globe.
« Bons républicains, vrais Bons-culottes.
« Les président, secrétaires et membres de la société: Gardin, maire;
Legerais, curé de Saint Gabriel;
Dutruissard, curé de Creully, président
Monnin, commissaire du canton, juge de paix, ex-président de ta société;
Quesnel, secrétaire;
Duval, vicaire, procureur de la commune;
Le Révérend, officier ;
Sources : Archives parlementaires de 1787 à 1860
Creully sur Seulles - L'industrie laitière à Creully en 1918
Dans le Calvados, les premiers essais de préparation de lait de conserve ont été faits une dizaine d'années avant la guerre actuelle. Vers 1904, a été fondée à Creully la Laiterie de Creully en vue de l’exploitation d’un brevet pour la production du lait stérilisé « Salvalor el Vita ». Ce lait était vendu en bouteilles. On a entrepris ensuite dans le même établissement la fabrication de lait et de chocolat condensés. En 1912, la Laiterie de Creully, dont les débuts avaient été difficiles, a été reprise par la Société des Grandes Laiteries de Touraine et de Normandie, A. Paillaud et Cie, dont le siège social est à Tours. Cette société a pour objet la production du lait stérilisé et du lait condensé, du beurre et du fromage.
Plaque publicitaire de la première société lairière de Creully. |
Pour l’écrémage : un
réchauffeur, de construction danoise, deux écrémeuses, de construction
suédoise, un réfrigérant cylindrique, de construction française, une pompe à
petit lait, de construction également française.
Pour la pasteurisation et la
stérilisation : quatre pasteurisateurs, de construction allemande, deux
réfrigérants, de construction suisse ; un troisième a été commandé à
l’industrie française.
Pour le barattage : une
baratte, de construction allemande.
En outre, la maison dispose de
nombreuses pompes, dont trois à eau, débitant 105 mètres cubes à l’heure, de
bacs de réception et de rinçage, de bidons, etc., le tout de construction
française.
La force motrice est fournie par une turbine hydraulique actionnant un générateur électrique d’une puissance de 25 H. P., de construction française. Ce générateur alimente plusieurs moteurs, de construction également française, qui assurent la marche de différents appareils. L’usine dispose, en outre, d’une machine à vapeur développant une puissance de 20 à 25 H. P., de construction française, avec trois chaudières, également françaises, dont deux en service et une en voie de montage. Ces trois chaudières représentent ensemble une surface de chauffe de 300 mètres carrés.
La production, qui a commencé
à prendre un développement considérable depuis la reprise de l'usine par MM.
A. Paillaud et Cie, a passé de 1.500 boites de lait condensé par jour en 1912
à une moyenne journalière de 5.000 actuellement. Cette moyenne pourrait être
facilement doublée. Le chiffre de 10.000 boites par jour a, d’ailleurs, été
atteint en automne 1917.
Le lait condensé de la maison porte la marque « Salva ». Depuis le commencement de l’année 1918, la maison ne pouvant plus se procurer du sucre, alors que ses concurrents étrangers et particulièrement suisses semblent en disposer dans une mesure suffisante, ne peut produire que du lait condensé non sucré. Elle se trouve ainsi placée dans un état d'infériorité vis-à-vis de ses concurrents, le lait condensé sucré étant préféré par les consommateurs à celui qui ne l’est pas. En outre, sa production se trouve réduite du fait que pour être condensé sans sucre, le lait doit subir l’opération de la stérilisation par les liantes températures et que la moitié environ de celui qui arrive à l’usine de MM. A. Paillaud et Cie ne peut, en raison de son degré d’acidité trop élevé, être soumise à cette opération. Dans ces conditions, la maison est obligée de transformer en fromages les quantités de lait qui ne peuvent être utilisées pour la préparation du lait condensé. Sa production de fromages atteint un millier de camemberts par jour.
Jusqu’en 1918, la majeure
partie de la production des laits de conserve préparés à l’usine de Creully
avait été réservée aux besoins du service de santé. En 1913 et en 1914, la maison
a fourni à ce service à Marseille environ 1.200.000 boites de lait stérilisé
pour les hôpitaux et les ambulances militaires du Maroc. Au cours des années
1916 et 1917, elle a fourni un million de boites de lait condensé aux services
de l’Intendance militaire à Rouen. Les excédents disponibles de la production
avaient été livrés au commerce, dans toute la France, ou exportés aux Colonies.
Actuellement, toute la production de l’usine est destinée aux besoins de la
consommation civile. Pour l’après-guerre, MM. A. Paillaud et Cie se proposent
d’agrandir considérablement leurs installations de Creully, d’étendre leur
rayon de ramassage et d’augmenter la production des laits de conserve de façon à pouvoir éliminer du
marché français les produits similaires étrangers et assurer, en outre, à leurs
marques des débouchés importants dans les colonies
françaises ainsi que dans les pays étrangers.
Comme exploitation
annexe, ils envisagent l’installation d’une porcherie pour l’utilisation des
sous-produits de leur fabrication de fromages.
Le personnel de la
maison, qui en 1912 se composait de 15 ouvriers et ouvrières, en comprend
actuellement 70, presque exclusivement recrutés dans la région.
Creully - La légende "le moine et le seigneur de Creully
Sur les bords de la Seulles, petite rivière aux eaux vives que sillonne l'éclair argenté de la truite,s'élèvent les restes encore imposants du château féodal de Creully.
Des arbustes, des ronces, des mûres sauvages montent paisiblement à l'assaut du rocher, qui porte les vieux remparts. Deux tours dominent cet important massif.
A peu de distance, se dresse une colonne, mince aiguille dont la hauteur ne peut s'expliquer que par son ancienne destination. Au premier abord, on la prendrait pour une tourelle; mais ce n'est qu'une ancienne cheminée, accolée autrefois à un toit, aujourd'hui supprimé avec l'étage, qui existait à sa base.
Ce n'est pas malheureusement la seule mutilation que le temps, ou la main de l'homme, ont fait subir à l'ancienne forteresse. De la porte, surmontée d'une haute tour carrée à créneaux, il ne reste plus que quelques moulures de l’époque romane. Plus de traces de herses ni de pont-levis. Les souterrains, très étendus autrefois, ont disparu sous des éboulements successifs. A l’intérieur, le passé architectural le plus lointain n’est représenté que par deux vastes salles voûtées à plein cintre, avec arcades, dont les retombées reposent sur des chapiteaux et des colonnes du XIe siècle.
La vieille demeure féodale, redoutablement fortifiée, surtout pour la guerre offensive, n'a pas su résister aux assauts pacifiques du confortable moderne. Sa physionomie terrible s'est modifiée; on n'en voit plus que le côté pacifique souriant où des enfants jouent sur les dalles où retentissait le pas des hommes d’armes.
Le château, devenu inoffensif, n'en a pas moins laissé dans l'âme du paysan un sentiment d'effroi, qui se répercute, à travers les générations, comme un inoubliable écho des crimes du temps passé.
Certains barons de Creully avaient en effet commis tant d'atrocités qu’il serait plus facile d'effacer, sur les murs de l’antique forteresse, les sombres empreintes du temps, que de faire disparaître de la mémoire du peuple le souvenir de leurs forfaits. En vain de pacifiques barons ont-ils séjourné entre ces épaisses murailles; en vain, jaloux d'imiter leur prédécesseur Antoine de Sillans Ier, qui eut quinze enfants de son mariage avec Jeanne Hébert d'Aussonvilliers, se soucièrent-ils de produire plus que de détruire. Les vertus de ces seigneurs débonnaires sont oubliées aujourd'hui, et les scènes de meurtre qui souillèrent le château féodal, les crimes des barons de Creully, la terreur qu'ils inspirèrent, sont encore l'unique fond des récits populaires.
Après avoir montré de loin à ses compagnons de travail la tour du donjon, le cultivateur leur raconte quelquefois des histoires qui l'ont frémir.
Il leur apprend qu'autrefois les barons se faisaient un jeu, en revenant de la chasse, d'abattre les couvreurs à coups d'arquebuse ; il leur raconte comment ils assommaient les sergents, comment ils ferraient leurs chevaux à l'envers pour échapper aux poursuites des agents du roi, comment ils pillaient et battaient leurs vassaux, comment ils enlevaient les filles et les femmes pour jeter ensuite leurs cadavres dans les oubliettes.
Terrorisés par la vue du donjon, d'où les maraudeurs, bardés de fer, s'abattaient sur la plaine comme une bande de vautours, les pauvres diables se vengeaient de leurs tyrans en disant d'eux le plus de mal possible dans des récits grossis souvent par la peur, mais où il y avait toujours un fonds de vérité. Car les seigneurs du lieu ne se contentaient pas de lever des impôts énormes sur leurs vassaux. A ces natures incultes, violentes, cruelles par instinct, il fallait un argent qui sentit, le butin et le haut goût du pillage, si excitant pour ces appétits de chasseurs d'hommes.
Or, on raconte qu'un jour, un de ses méchants barons revint, quasi bredouille d'une ces expéditions, ordinairement fructueuse. Il ne ramenait qu'un moine, un pauvre moine qui n'était pas mendiant, ou qui n'avait pas eu l'éloquence productive.
Toujours est-il que détroussé, bien fouillé, le saint homme ne laissa aux mains du seigneur que son chapelet de cuivre et sa bourse vide.
Grande colère d’abord. Car le sieur de Creully n’entendait pas avoir perdu son temps à chasser à courre inutilement. Sa férocité naturelle lui suggéra le dessin bien simple de se venger en faisant précipiter ce gibier décevant dans les oubliettes. Mais il était depuis longtemps blasé sur cette sorte de plaisir. Et, après réflexion, il trouva préférable de s’amuser du moine comme les chats, bien repus, jouent avec les souris, avant de lui donner le suprême coup de griffe.
L’idée devait être bien bouffonne, puisque l’excellent châtelain en rit tout seul, avec des éclats qui réveillèrent les échos endormis aux voûtes de la grande salle d’armes. Précédant lui-même les archers, qui maintenaient le prisonnier, il le conduisit dans un souterrain au bout duquel il ouvrit la porte d’un cachot.
Il expliqua alors au fugitif que pour le punir de lui avoir fait faire, sans compensation, une longue chevauchée, il le condamnait à passer là cinq jours et cinq nuits, n’ayant d’autre nourriture que des prières et sa résignation.
Et comme le malheureux demandait grâce :
- De quoi te plains tu ? fit ironiquement le sieur de Creully, je te permets de dévorer tes larmes.
Cinq jours après la fermeture du cachot, le baron réunissait quelques bons châtelains de sa trempe autour d’une table, copieusement chargée de pâtés, de chapons à haute graisse, avec des jambons de sangliers accompagnés de potages.
Au troisième service où parurent les rôtis, faisans, perdrix, hérons, outardes et bécasses, et le gros gibier, tels que lièvres, chevreaux sauvages et chevreuils, il s’était déjà vidé tant de bouteilles de vin de Bourgogne, ou de champagne rouge, que les honnêtes convives du sire de Creully commençaient déjà, par folle gaîté, à se jeter à la tête, en forme de bataille, des croûtes de pain et des os, que la civilité du jour enjoignait pourtant de «mettre dans un panier pour ou de pousser sous la table auprès de soy... toutes fois sans blesser personne.»
Mais les aimables collègues du baron avaient complètement oublié ce conseil, naïf pour nous, prudent pour l'époque, puisque plus d'un nez, endommagé dans le combat, commençait à rougir autrement que sous l'action du vin ou de l’eau-d'or, comme on appelait l'alcool destiné alors à faire, comme aujourd'hui, ce que nos grands mangeurs bas-normands appellent un trou entre chaque service.
Ce fut le moment que choisit le sire de Creully pour offrir à ses hôtes le spectacle original qu'il leur avait préparé. Il n'eut qu'un geste à faire et des valets, instruits à l'avance par le maître, allèrent chercher le moine au fond du souterrain.
Le pauvre religieux, affaibli par le jeûne, ébloui par le brusque passage de son cachot à une salle brillamment éclairée, se soutenait à peine. Dès son entrée, il faillit, être renversé par un groupe de chiens qui se disputaient un des os, encore richement recouvert de viande, que jetaient sur les dalles des convives déjà repus.
Furieux d'être interrompus dans leur repas, les molosses montrèrent les dents à l'importun qui osait les troubler. Mais, comme s'ils eussent dédaigné la maigreur de celui qui s’offrait vivant à leurs crocs, ils détournèrent aussitôt la tête pour s’attaquer à leur premier morceau.
Ce fut du moins ce que durent comprendre les compagnons de plaisir du baron, qui échangèrent entre eux des plaisanteries de haut goût, improvisant ainsi, sans s'en douter, une sorte de prologue à la comédie que leur amphitryon avait imaginée pour les égayer.
Mis en verve par ce début inattendu, le sire de Creully se fit amener le moine en face de lui, tout près de la table abondamment garnie de plats, qui réjouissaient les yeux et chatouillaient l'odorat.
- Tu vois bien toutes ces volailles et toute cette venaison? demanda-t-il au prisonnier avec un sourire illuminé de malice.
Hélas! Il ne les voyait que trop, le pauvre affamé. Ses yeux fixes d'halluciné, ses narines dilatées, sa bouche entr’ouverte, sa langue, passant brûlante sur ses lèvres arides, indiquaient un appel de tout son être vers cette nourriture étalée.
- Tu sais, reprit le baron, après avoir allumé cruellement, chez le malheureux, des convoitises multipliées par le parfum affriolant des mets, tu sais que je pourrais te faire écorcher tout de suite ou précipiter du haut du donjon, après m'être amusé à parier que tu tomberais pile ou face. Tu n'ignores pas non plus que j'aurais pu te laisser mourir d'inanition dans ton cachot... Mais je suis bon prince, et j'ai eu la charitable pensée de t'inviter à notre repas... . Car je suppose que tu dois avoir faim ?
- Dieu ! Si j'ai faim ! Gémit le pauvre moine, croisant les mains sur son estomac vide.
- Et bien ! Fais ton choix, continua le baron en montrant tous les plats qui garnissaient la table... Ou plutôt, non, ne choisis pas. Perdrix, bécasses, oies sauvages, lièvres, chevreuils, tout est à ta disposition. Je te permets d'aller de l'un à l'autre, taillant tel morceau qu'il le plaira.
Et le sieur de Creully, complaisamment, en bon seigneur qu'il se disait, présenta au religieux, presque fou de joie, un long couteau bien affilé.
Poussé par une faim qui ne raisonnait pas, le prisonnier se jeta sur le premier rôti qui s'offrait à lui, prêt à le dépecer avec sa lame aiguë.
- Attention ! Cria le sir de Creully en ordonnant à un de ses valets de retenir ce convive trop pressé.
Le moine ainsi interrompu eut un cri douloureux :
- Ah ! Je vois bien, seigneur, que vous vouliez me tenter pour vous amuser à mes dépens.
- Non pas, dit le baron, rien de plus sérieux. Je te jure ici que tu peux te régaler à ton aise. Mais je n'ai pas l’habitude de tromper les gens, et je te dois un avertissement. Taille et prends les morceaux qui te conviendront. Mange tant que tu voudras. Seulement, sache que nous prélèverons sur ta personne ce que tu auras pris à chacun de ces rôtis. En un mot, ce que tu leur feras, nous te le ferons à notre tour.
Des applaudissements enthousiastes saluèrent, la sentence du châtelain. Tous ces bons sires s'esbaudissaient de cette idée ingénieuse, neuve en tout cas pour des gens qui ne connaissaient pas la légende de Shylock.
C'était, en vérité une cruauté bien originale d'amener le malheureux affamé dans cette atmosphère de victuailles, de le convier à ce repas d'ogres, de tenter sa chair en lui donnant le frisson de la torture prochaine, d'assister à la satisfaction de son appétit mêlée aux affres du supplice en perspective.
Quelle aubaine que ce féroce intermède ! Et que le sire de Creully savait bien divertir ses hôtes ?
Cependant, malgré l'horreur de la torture entrevue, le moine succomba aux appels d'un désir qui le trouvait sans résistance. Un secret espoir lui était venu d'ailleurs, petite supercherie qu'il croyait se faire pardonner. Car on le vit, tout en passant timidement le tranchant de son couteau sons l'aile d'un chapon bien rebondi, interroger son tyran d'un regard anxieux, où il y avait une double expression de prière et de malice.
Sa requête mimée fut sans doute comprise du sire de Creully qui, pour être cruel et ignorant, n'en était pas moins doué d'un certain esprit naturel.
- Pas de tricheries, moinillon ! s'écria en effet le baron d'une voix tonitruante. Ce qui est aile pour le chapon sera bras pour toi ! Je te le répète : ce que tu feras à cette bête, nous te le ferons à toi-même !
Le moine eut, tout d'abord un geste de désespoir; puis, devant le rôti qui le tentait, il se recueillit en une méditation profonde. Les compagnons d'orgie du sire de Creully se le montraient en riant, heureux de son tourment, sûrs de sa défaite.
Au bout d'un instant, le religieux dressa sa tète amaigrie par un jeune prolongé. Mais, cette fois, rien ne trahissait au dehors, ni dans ses yeux, ni dans les lignes de ses muscles émaciés, le fond de sa pensée. Et, avec un sang-froid héroïque, il demanda s'il lui serait permis de prendre du pain pour accompagner ce qu'il mangerait du rôti.
Sur un signe de consentement du châtelain, il tailla plusieurs tranches de pain. Alors, s'approchant du plantureux chapon, tout ruisselant du beurre le plus renommé du Bessin, il exerça de sa main gauche, sur le ventre grassouillet de la bête, une douce pression, comme s'il se fût encore rappelé, dans cette aventure gastronomique, le charitable précepte qui nous oblige à ne pas faire plus de mal aux autres que nous ne voudrions qu'on ne nous en fit à nous-mêmes.
Aussitôt, des entrailles du volatile, où l'art du cuisinier avait accumulé des trésors aromatiques, s'échappa, tout un ruisseau de graisse, juteuse et frissonnante encore, que l'ingénieux inventeur recueillit, comme à. l'extrémité d'une gargouille, sur une des tranches de pain. Puis il dévora le morceau, avec l'avidité d'un homme qui a été condamné pendant plusieurs jours à un jeûne forcé.
L’imprévu de l'expédient avait causé une telle stupéfaction dans l'assistance, que le moine eut le temps de renouveler plusieurs fois l'opération.
Mais des murmures commencèrent à s'élever autour de la table, suivis de protestations
qu'accompagnaient des gestes irrités.
- Pourquoi vous fâcher, messeigneurs ? dit le moine en jouant l'étonnement. Je n'ai pas oublié notre marché.
Et, saisissant sa tranche de pain encore intacte, qu'il présenta à ses persécuteurs, avec un regard que traversait un éclair malicieux :
- Point n'est besoin de couteau comme vous le pensiez, ajouta-t-il, puisque voilà mon arme. Prenez-la et, suivant nos conventions, usez-en, avec moi comme j'en ai usé avec ce rôti.
La grossièreté de la plaisanterie en fit peut-être pardonner l'insolence; car, si Rabelais n'existait pas encore, l'esprit rabelaisien était déjà né avec la première âme de Gaulois.
- Le drôle n'est ni bête, ni poltron ! dit le sieur de Creully en riant à se tordre.
Calmant la mauvaise humeur de certains convives, qui ne paraissaient pas disposés à digérer une offense, même collective il les obligea, dit-on, à se serrer un peu pour faire une place au moine. Celui-ci put tailler, cette fois, sans condition de redevance d'aucune sorte, tous les morceaux qui le tentaient sur la table seigneuriale.
Et, avec, cette légende pour rire, sorte de page blanche dans les traditions sanglantes du vieux château, l'imagination populaire semble avoir voulu prouver que l’esprit peut quelquefois désarmer la force, quand celle-ci, par hasard, a le vin gai.
Creully - Concours agricole de 1854
Conformément aux décisions de la Société, son concours agricole annuel a eu lieu, cette année, dans le canton de Creully, le 27 août.
Le président et un certain nombre de membres de la Compagnie, en venant se réunir à un grand nombre de propriétaires et de cultivateurs des environs, témoignaient, par leur présence, du vif intérêt qu'ils prenaient à cette fête. De son côté l'administration municipale de Creully n'avait rien négligé pour que la parfaite convenance des dispositions et l'ordre sagement maintenu prêtassent à la solennité ce caractère propre à laisser un souvenir durable dans l'esprit des populations. Après la grand'Messe, le cortège se forma sur la place du bourg ; puis il défila, non sans dignité, sous l'escorte de la compagnie de pompiers, dont l'excellente tenue témoignait assez du zèle de son chef et de la sympathie des habitants pour cette utile institution. Le champ d'épreuves pour le concours de labourage, était disposé à droite de la route de Caen, au-delà du calvaire. Une tente avait été dressée pour le jury, et les concurrents pouvaient s'exercer librement et tracer leurs sillons à l'envi, sous l'œil attentif d'un nombre immense de spectateurs. Les épreuves terminées, le cortège se reforma dans le même ordre, et vint prendre place sur les estrades qui s'appuyaient en profil sur l'hôtel de la mairie, tandis que, parallèlement à cet édifice, de fortes balustrades formaient une vaste enceinte pour l'appel des lauréats, et maintenait libre la circulation. Plus loin, une autre enceinte était destinée aux jeux qui devaient terminer la journée. Quand la foule se fut groupée autour de l'estrade.
M. le président se félicite, en particulier, de se retrouver, dans cette solennité agricole, entouré des membres honorables de la Société d'Agriculture, qui, dans le canton, de Creully, joignent l'exemple au précepte, et impriment au progrès une marche si rapide et si sûre, par l'introduction de toutes les bonnes méthodes, et les résultats qu'ils offrent aux yeux des populations. Après ce discours, dont nous regrettons de ne pouvoir reproduire que quelques pensées , M. Caillieux , secrétaire de la Commission des concours , a rendu compte des opérations de cette Commission, et a lu le rapport qui suit :
La Société d’Agriculture et de Commerce de Caen, vient, pour la troisième fois de dresser sa tente dans le canton de Creully et décerner des récompenses aux cultivateurs les plus méritants; aux hommes de progrès, dont les travaux intelligents contribuent à augmenter la richesse du pays. Ces hommes, nous nous empressons de le proclamer hautement, sont nombreux dans le canton de Creully, et la Société d'Agriculture regrette de ne pouvoir accorder des récompenses à tous ceux chez lesquels la Commission des concours a constaté de sérieuses et utiles améliorations. Qu'il nous soit permis, tout d'abord, d'adresser des remercîments bien sincères à MM. les membres des Sous -commissions, qui ont bien voulu nous seconder, en visitant à l'avance les exploitations rurales du canton, et en simplifiant ainsi notre travail , par leurs rapports consciencieux. L'Agriculture est à -coup sûr, en progrès chez le plus grand nombre des cultivateurs du canton de Creully, et si, chez quelques-uns, la Commission n'a pas été complètement satisfaite de la tenue des cours et des habitations, elle a reconnu, cependant, que les cultures sont, généralement, bien faites , et judicieusement ordonnées. Nous devons cependant exprimer un regret, c'est que nos intentions n'aient pas été partout bien comprises, et qu'un certain nombre de cultivateurs aient manifesté le désir de n'être pas portés au nombre des concurrents pour les médailles que décerne la Société. Ce refus , Messieurs, nous a paru d'autant plus regrettable, que la plupart de ces cultivateurs n'avaient aucun motif sérieux pour se retirer du concours. Dans le nombre des exploitations visitées, nous devons signaler particulièrement celles de MM. Nicolle, à Coulomb ; Arsène Lecoq, à Creully; Lebaron, à St. -Gabriel; Pierre Bastard, à Than ; Alexandre Viel, à Rucqueville ; Léon Viel, à Lantheuil ; Baptiste Gost, à Courseulles; Hamelin, à Cairon, chez lesquels nous avons rencontré des animaux du meilleur choix et dans des conditions parfaites ; des habitations propres et saines ; des laiteries plus ou moins spacieuses et d'une excessive propreté ; des cours bien tenues, des fumières abondantes et convenablement entretenues ; des jardins bien cultivés et suffisamment pourvus de légumes ; des récoltes sur pied annonçant devoir être abondantes et de bonne qualité. Partout nous avons trouvé les greniers remplis de graines da colza.
Dans plusieurs fermes la Commission a remarqué des constructions, des innovations d’une grande importance, faites par les propriétaires, et entre autre des écuries et des granges neuves parfaitement établies ; des hangars pour abriter les voitures chargées qui viennent du dehors par les mauvais temps; des fosses ou réservoirs à purin , d'une si grande utilité pour augmenter et bonifier les engrais, etc. ; bien que ces travaux soient l'œuvre des propriétaires, il ne faut pas se dissimuler que le cultivateur intelligent, laborieux et instruit les obtiendra toujours plus facilement que le fermier insouciant et routinier. La Commission est heureuse de pouvoir citer ici un honorable membre de la Société d'Agriculture de Caen, M. Delacour, de St Gabriel, comme, l'un des propriétaires qui ont le plus fait pour améliorer la position de leurs fermiers. Dans l'une de ses fermes, nous avons vu un réservoir à purin construit dans le fond même de la fumière, et destiné à recevoir, au moyen de divers conduits, les urines de tous les animaux de l'exploitation. Une pompe placée au centre de la fumière sert à enlever le purin qu'on emploie, au besoin, pour arroser les fumiers eux- mêmes, ou les herbages. La Commission des Concours avait à s'occuper encore du choix des domestiques et des servantes qui, par leur bonne conduite et l'ancienneté de leurs services, méritaient les récompenses offertes par la Société d'Agriculture. Le nombre des serviteurs des deux sexes qui s'étaient fait inscrire, étant trop considérable pour qu'il fût possible d'accorder des récompenses à tous, la Commission, tout en regrettant de ne pouvoir signaler ces personnes recommandables, a dû faire donner la préférence à celles qui ont servi le plus longtemps les mêmes maîtres, et qui réunissent, d'ailleurs, toutes les conditions de probité et de moralité exigées. M. Abel Vautier , président de la Chambre de commerce de Caen, qui saisit toujours avec empressement les occasions de se rendre utile au pays, ayant déclaré à la Société d'Agriculture que la Chambre de commerce met à sa disposition plusieurs médailles pour être distribuées au concours de Creully, M. le président de la Société, sur les propositions de la Commission, a cru devoir en faire la répartition entre les lauréats duConcours agricole, et les serviteurs les plus méritants par l'ancienneté de leurs services. Voici, Messieurs, les noms des personnes que la Société d'Agriculture et de Commerce a désignées comme devant obtenir des récompenses :
BONNE CULTURE ET BONNE TENUE DE FERME
1er prix. —Une médaille en argent pour M. Nicolle, cultivateur à Coulomb ; une médaille en argent est ajoutée à ce prix par la Chambre de commerce ;
RÉCOMPENSES POUR LES BONS SERVICES ET LA MORALITÉ.
Servantes :
Serviteurs :
Mentions honorables à François Lemonnier, chez M. Jacques Adeline, au Fresne-Camilly, 51 ans de services, et à Exupère Vaudry, chez M. Hamelin, à Cairon, 50 ans de services. Une médaille en bronze de la Chambre de commerce est ajoutée à chacune de ces dernières récompenses.
CONCOURS DE LABOURAGE.
Après la distribution des récompenses l’on se rendit à la salle du banquet. Les halles avaient reçu cette destination, et les piliers, contre lesquels le blé s'entassait la veille, s'enorgueillissaient des trophées de drapeaux qui semblaient au signe du travail faire succéder le signe du triomphe. Les lauréats auxquels revenaient de droit les honneurs de la journée , venaient mêler leurs rangs à ceux des membres de la Société d'Agriculture et des autres invités parmi lesquels on remarquait M. Abel Vautier, membre du corps législatif, M. Delacour, ancien député, à droite et à gauche de M. de Druval, maire de Creully, ayant pour vis-à-vis, M. Bertrand, président de la Société d'Agriculture et de commerce, M. le vicomted'Osseville, membre du conseil d'arrondissement et M. Lepelletier, juge de paix. A la fin du banquet, M. le président se leva et porta le toast suivant, qui fut accueilli par des applaudissements unanimes : «A M. le maire de Creully, dont l'administration intelligente et ferme est un bienfait cotinuel pour ses 'administrés, qui reconnaissent ses soins par l'estime et l'affection dont ils l'entourent ! Aux habitants de Creully, en retour de la sympathie avec laquelle ils ont accueilli les représentants de la Société d'Agriculture et de Commerce!»M. de Druval répondit: « à la Société d'Agriculture de Caen, toujours si pleine de zèle, pour son utile mission, à son honorable président dont le bienveillant concours ne sortira pas de la mémoire des habitants de Creully ! »
L'église Saint Martin de Creully
A part l'extrémité du chœur qui fut allongé à l'époque gothique, les chapelles percées dans ce chœur côté nord, et le clocher relativement récent, l'église de Creully dans son ensemble est un beau joyau d'art roman du XIIe.
Elle a subi une restauration au XIXe, mais cette dernière restée discrète n'a pas dénaturé l'ensemble du style, si bien que l'église demeure un spécimen du roman de notre région, lorsque cet art arrivait à sa dernière période, alors que l'architecture gothique se développait déjà dans d'autres régions de France.
L'élévation extérieure très soignée présente de chaque côté, à la partie supérieure des murs des arcatures romanes aveugles pour la plupart. Une seulement, sur trois ou quatre, est percée d'une baie étroite éclairant la nef. Ces fines arcatures en plein cintre sont l'imitation d'un certain nombre d'autres que l'on trouve dans les églises, du Bessin et de la Plaine antérieures à Creully, par exemple à Secqueville.
Les modillons de la corniche représentent — comme si souvent chez nous — des têtes, masques grotesques et grimaçants. Beaucoup — et on les repère facilement — ont été refaits totalement lors de la restauration du XIXe siècle, comme d'ailleurs certains des petits chapiteaux de l'arcature. Sur les deux faces on accède à la nef par des portes romanes dont les arcs sont ornés de zigzags en bâtons brisés si fréquents dans l'art roman du Calvados. Ce qui est par contre beaucoup moins fréquent «assez rare dans les monuments d'architecture romane» signale M. de Caumont, c'est que deux de ces portes (dont l'une côté nord est d'ailleurs bouchée) sont couronnées d'arcs nettement surbaissés au lieu d'être franchement en plein-cintre.
A l'intérieur le visiteur ne peut être que conquis devant la pureté de cette nef romane et des collatéraux admirablement conservés. De chaque côté, cinq grandes arcades toutes ornées de bâtons brisés, dont les archivoltes sont nettement en retrait, rappellent celles de la nef de la cathédrale de Bayeux. Mais alors que dans cette dernière des piliers gothiques sont venus entourer les piliers romans primitifs, ceux de Creully n'ont rien eu d'ajouté et leurs chapiteaux sont authentiquement romans.
Ah ! Ces chapiteaux de Creully ! Nous ne pouvons les passer tous en une revue détaillée. Ils sont fort nombreux, certains humblement cachés dans la pénombre des bas-côtés, mais le visiteur ne manquera pas de les découvrir un à un et de s'attarder devant eux.
Ils s'inspirent de chapiteaux plus anciens d'autres églises romanes Normandes. Plusieurs des églises de ce canton de Creully en ont aussi de très beaux. Ils sont assez archaïques dans le choix des motifs, palmettes, godrons plutôt rigides, de relief assez plat aussi.
Quelques-uns présentent des masques humains, auxquels des feuillages tiennent lieu de barbe et de moustache. Pour un autre au contraire, les feuillages en volutes paraissent vomis de la bouche ou serrés entre les dents. D'autres, plus nombreux, s'ornent d'entrelacs perlés, très fins, aux innombrables nœuds compliqués, longuement entremêlés en d'inextricables labyrinthes.
Les voûtes de la nef sont celles de la fin de l'époque romane. Elles, sont sur croisées d'ogives, alors que les doubleaux sont encore en plein-cintre. Les bas-côtés sont voûtés d'arêtes saillantes.
Pour qui peut monter jusqu'aux combles un problème pourrait pourtant se poser au sujet de ces voûtes. La charpente se découvre alors si belle, ouvragée et sculptée — si antique aussi — qu'on se demande pourquoi on l'a ainsi travaillée pour la masquer dans un grenier.
Il ne paraît pourtant pas que cette charpente intéressante n’ait jamais été apparente comme elle l'était en général en Normandie, dans les édifices romans antérieurs non voûtés.
L'épaisseur des murs de l’église montre que le constructeur dès l'origine pensait à placer une voûte de pierre. On aura voulu probablement, malgré tout, utiliser une charpente ouvragée comme il était de règle, au siècle précédent, en Normandie.
Le chœur primitivement roman, a été nous l'avons dit retouché et allongé, probablement à la fin du XVe ou au début du XVI e. C'est à cette époque qu'on a ajouté aussi un bas-côté nord dit «chapelle des hommes».
La tour-clocher, carrée à la base, puis octogonale dans sa partie supérieure, est d'une époque beaucoup plus récente comme aussi une chapelle seigneuriale côte nord, à la hauteur du sanctuaire (probablement le début du siècle XIXe)
Pour bâtir cette dernière chapelle on a fait disparaître le tombeau du XVIIIe d'Antoine II de Sillans, seigneur de Creully, mais du côté sud du sanctuaire subsiste toujours celui d'Antoine III. Le visiteur pourra encore en déchiffrer l'épitaphe assez pompeuse.
Vous qui passez par Creully — peut-être en vous rendant aux plages du débarquement — vous qui visitez le château féodal un des mieux conservés du Calvados, ne manquez pas d'admirer aussi ce joyau d'art roman si sympathique qu'est l'église Saint-Martin.
Creully sur Seulles - Sainte Marguerite
Le vitrail représentant notre Sainte sur les vitraux du chevet de l'église Saint Martin de Creully. |
La statue de Ste Marguerite qui était dans la chapelle du château de Creullet. Elle se trouve maintenant dans l'église de Creully. |
Orpheline, elle passa son enfance à la campagne. Un préfet romain (Olybrius) la convoite. Emprisonnée, elle aurait chassé un démon de sa geôle par un signe de croix. Entre autres tortures, on la lacère avec un croc. Elle en réchappe miraculeusement.
Sainte Marguerite n'est pas un personnage historique. Sa légende, apportée en Occident par les Croisés, dit qu'elle est morte décapitée, sans préciser si elle avait perdu sa virginité, ni si l'on était trop loin de Rome pour que les lois en fussent respectées.
Elle est très vénérée en Orient et en Occident.
On dit qu'elle fut avalée par un monstre et qu'elle en transperça miraculeusement le ventre pour en sortir. C'est pourquoi on la représente généralement "issant du dragon". Elle est invoquée pour la délivrance des femmes en couches.