Creully sur Seulles - L'industrie laitière à Creully en 1918

 Dans une enquête sur la situation des industries dans le département du Calvados parue en 1918, j'ai retrouvé un article concernant la laiterie de Creully. Je vous le transcrit ci-dessous.

 

Dans le Calvados, les premiers essais de préparation de lait de conserve ont été faits une dizaine d'années avant la guerre actuelle. Vers 1904, a été fondée à Creully la Laiterie de Creully en vue de l’exploitation d’un brevet pour la production du lait stérilisé « Salvalor el Vita ». Ce lait était vendu en bouteilles. On a entrepris ensuite dans le même établissement la fabrication de lait et de chocolat condensés. En 1912, la Laiterie de Creully, dont les débuts avaient été difficiles, a été reprise par la Société des Grandes Laiteries de Touraine et de Norman­die, A. Paillaud et Cie, dont le siège social est à Tours. Cette société a pour objet la production du lait stérilisé et du lait condensé, du beurre et du fromage.

Plaque publicitaire de la première société lairière de Creully.
Le ramassage du lait traité aux établissements de Creul­ly est fait dans un rayon de 9 kilomètres environ. La so­ciété dispose à cet effet d’une dizaine de voitures et de 29 à 30 chevaux selon les besoins. La récolte moyenne varie d'une saison à l'autre, passant de 5.000 ou 6.000 litres par jour en hiver, à 12.000 en été.

L’outillage de l'usine comprend un matériel complet pour l’écrémage, la pasteurisation, la stérilisation, la con­densation et le barattage.

Pour l’écrémage : un réchauffeur, de construction danoise, deux écrémeuses, de construction suédoise, un réfrigérant cylindrique, de construction française, une pompe à petit lait, de construction également fran­çaise.

Pour la pasteurisation et la stérilisation : quatre pasteurisateurs, de construction allemande, deux réfrigérants, de construction suisse ; un troisième a été commandé à l’industrie française.

Pour la condensation : deux groupes d’appareils à condenser dans le vide, dont l’un, de construction suisse, mais mis au point en France, est en service, et l’autre, de construction également suisse, est en voie de montage ; trois bacs à tapettes tournantes, dont deux sont en service et un troisième en voie de montage; tous les trois sont de construction suisse; trois sertisseuses, dont deux, l'une de construction fran­çaise et l’autre de construction américaine, sont en service, et la troisième, de construction américaine, est en voie de montage; deux homogénéisateurs, ou machines à fixer, de cons­truction française; trois autoclaves, de construction française.

Pour le barattage : une baratte, de construction allemande.

En outre, la maison dispose de nombreuses pompes, dont trois à eau, débitant 105 mètres cubes à l’heure, de bacs de réception et de rinçage, de bidons, etc., le tout de construction française.

La force motrice est fournie par une turbine hydrau­lique actionnant un générateur électrique d’une puissance de 25 H. P., de construction française. Ce générateur alimente plusieurs moteurs, de construction également française, qui assurent la marche de différents appareils. L’usine dispose, en outre, d’une machine à vapeur déve­loppant une puissance de 20 à 25 H. P., de construction française, avec trois chaudières, également françaises, dont deux en service et une en voie de montage. Ces trois chaudières représentent ensemble une surface de chauffe de 300 mètres carrés.

La production, qui a commencé à prendre un dévelop­pement considérable depuis la reprise de l'usine par MM. A. Paillaud et Cie, a passé de 1.500 boites de lait con­densé par jour en 1912 à une moyenne journalière de 5.000 actuellement. Cette moyenne pourrait être facile­ment doublée. Le chiffre de 10.000 boites par jour a, d’ailleurs, été atteint en automne 1917.

Le lait condensé de la maison porte la marque « Salva ». Depuis le com­mencement de l’année 1918, la maison ne pouvant plus se procurer du sucre, alors que ses concurrents étrangers et particulièrement suisses semblent en disposer dans une mesure suffisante, ne peut produire que du lait condensé non sucré. Elle se trouve ainsi placée dans un état d'in­fériorité vis-à-vis de ses concurrents, le lait condensé su­cré étant préféré par les consommateurs à celui qui ne l’est pas. En outre, sa production se trouve réduite du fait que pour être condensé sans sucre, le lait doit subir l’opération de la stérilisation par les liantes températures et que la moitié environ de celui qui arrive à l’usine de MM. A. Paillaud et Cie ne peut, en raison de son degré d’acidité trop élevé, être soumise à cette opération. Dans ces conditions, la maison est obligée de transformer en fromages les quantités de lait qui ne peuvent être utili­sées pour la préparation du lait condensé. Sa production de fromages atteint un millier de camemberts par jour.

Jusqu’en 1918, la majeure partie de la production des laits de conserve préparés à l’usine de Creully avait été réservée aux besoins du service de santé. En 1913 et en 1914, la maison a fourni à ce service à Marseille environ 1.200.000 boites de lait stérilisé pour les hôpitaux et les ambulances militaires du Maroc. Au cours des années 1916 et 1917, elle a fourni un million de boites de lait condensé aux services de l’Intendance militaire à Rouen. Les excédents disponibles de la production avaient été livrés au commerce, dans toute la France, ou exportés aux Colonies. Actuellement, toute la production de l’usine est destinée aux besoins de la consommation civile. Pour l’après-guerre, MM. A. Paillaud et Cie se proposent d’a­grandir considérablement leurs installations de Creully, d’étendre leur rayon de ramassage et d’augmenter la pro­duction des laits de conserve de façon à pouvoir éliminer du marché français les produits similaires étrangers et assurer, en outre, à leurs marques des débouchés importants dans les colonies françaises ainsi que dans les pays étrangers.

Comme exploitation annexe, ils envisagent l’installation d’une porcherie pour l’utilisation des sous-produits de leur fabrication de fromages.

Le personnel de la maison, qui en 1912 se composait de 15 ouvriers et ouvrières, en comprend actuellement 70, presque exclusivement recrutés dans la région.