L'histoire ou la légende des terres de Jérusalem à Juaye-Mondaye

Entre Bayeux et Tilly-sur-Seulles, vous traverserez le hameau du Douet de Chouain, situé sur les communes de Chouain et de Condé-sur-Seulles. Dans ce hameau se trouve un petit cimetière militaire britannique appelé "cimetière de Jérusalem". Il abrite les tombes de militaires britanniques tués durant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi JERUSALEM ? Certaines de ces tombes ont été déplacées. Les soldats avaient été initialement inhumés près du Douet de Chouain, sur la commune de Juaye-Mondaye, en un lieu appelé "Jérusalem".

Le village de Couvert

À environ deux lieues au sud de la ville de Bayeux s'élevait un pays, primitivement
couvert d'arbres, d'où lui est venu son nom de Couvert, qui aurait été jadis une véritable forêt et un bois sacré où les Druides se livraient à leurs rites mystérieux et sanguinaires.

Cadastre de 1830 – En 1857, Couvert avec Juaye, Bernières-Bocage deviennent Juaye-Mondaye

Les Romains, après la conquête des Gaules par Jules César, y fondèrent une cité que les habitants appellent encore aujourd'hui la ville de Baccaïe. Ils racontent beaucoup de choses extraordinaires sur l'étendue et le commerce de cette prétendue ville.

De fait, il paraît certain qu'il y eut là une exploitation rurale d'une certaine importance et peut-être un village romain. On y a trouvé, en effet, des pièces de monnaie à l'effigie des empereurs Claude et Marc-Aurèle qui gouvernèrent l'empire romain au Ier et au IIème siècle après Jésus-Christ. On a découvert également des tuiles romaines à rebords, des cercueils en pierre fort anciens.

Sainte Basile (Bazile)

Mais l'événement qui contribua surtout au développement et à la célébrité de cet endroit fut le martyr de sainte Basile qui, convertie au christianisme, brûlait du désir de communiquer sa foi et de conquérir des âmes à Jésus-Christ. Enthousiasmée par les récits des missionnaires envoyés dans les Gaules et animée sans doute d'une inspiration divine, elle résolut de se rendre dans les Gaules afin de partager leurs labeurs et leurs mérites.

Ruines de l'église de Ste Bazile à Juaye-Mondaye

La Providence la conduisit dans ce pays de Couvert. Les conversions qu'elle opéra furent si nombreuses et si merveilleuses qu'elle attira contre elle la haine des païens. Elle ne tarda pas à être dénoncée au proconsul romain. Comme celui-ci, dans un but de conquête, tenait à pacifier les esprits en protégeant leurs fausses divinités, elle fut arrêtée et contrainte d'adorer les idoles. Après les interrogatoires et les sommations d'usage, le proconsul, usant des pouvoirs discrétionnaires dont il était revêtu, et trouvant toujours Basile inaccessible à ses promesses comme à ses menaces, ordonna son supplice pour le lendemain.

Les terres de Jérusalem

Une partie du territoire de ce village porte le nom de « Jérusalem ».

Une histoire racontée dans la contrée tenterait de nous expliquer ce nom de Jérusalem à Couvert.

Les châtelains de Tilly – Véroles (2)

Non loin de là, plus au sud, une seigneurie venait de naître au sein du village de Tilly – Véroles (Tilly sur Seulles). Il a donné le nom à l'illustre maison de Tilly qui porte pour armes : d'or à la fleur de lys de gueules. Les châtelains de Tilly ont tenu un grand rang en Normandie ; ils avaient la qualité de second bachelier de ce duché.

L'un d'eux, Henri de Tilly, né dans le village en 1135, châtelain de Tilly, était également seigneur de Fontaine-Henry. Henri de Tilly fut en quelque sorte le créateur même du village et le premier constructeur du château. Le fils de Guillaume de Tilly était, au XIIème siècle, un seigneur avec lequel il fallait compter. Son père, grand sénéchal de Normandie, avait épousé une Magneville, de la famille des comtes d'Essex. Il épousa Gondrède de Montbray de la famille des comtes de Sussex. D'abord baron de Nerwod au droit de sa mère, il perdit cette baronnie pour avoir quitté le parti du roi Jean sans Terre en faveur de Philippe-Auguste. Il se retira alors à Fontaine-sur-Thaon qui devint Fontaine-Henry.

La croisade

À la fin du XIe siècle, une foule nombreuse de Chevaliers Normands dont un « de Tilly » prit le chemin de Jérusalem au sein de la première croisade. On dit que le seigneur de Tilly en ramena des moutons (3) de la race mérinos qu'il trouva en Asie Mineure.

Henry de Tilly

Henri de Tilly avait une vénération profonde et la confiance la plus entière, comme de nombreux châtelains Bas-Normands, dans les Chevaliers du Temple. Dans son testament (4) devant l'Abbé d'Ardennes, il donne aux Templiers son palefroi, sa cuirasse et toute son armure de Chevalier, avec une somme de 40 livres de monnaie d'Anjou.

Henri de Tilly possédait entre autres un haras, une collection d'animaux rares, des moutons et des chèvres de Séville, etc. De tout cela, il fait des legs en faveur des lieux saints et des abbayes normandes, sans en oublier une. Ce point nous intéresse car il précise un leg à l'abbesse de l'abbaye du Cordillon (4).

L’abbaye du Cordillon (5)

Elle fut fondée par Guillaume de Soliers qui fut seigneur châtelain de Lingèvres au milieu du XIIe siècle. Le village de Lingèvres est situé non loin de Couvert au sud-ouest. Ainsi, des moutons à tête noire de races morinos se retrouvèrent sur des terres appartenant à l'abbaye du Cordillon près d'une petite fontaine dont les eaux retrouvent la rivière « Seulles » à Condé sur Seulles. Les habitants de Couvert appelèrent ces ovins sous le nom de « moutons de Jérusalem » car ils étaient issus de ceux ramenés lors de la première croisade par un châtelain de Tilly, de Fontaine-Henry.

2 - Le nom de Tilly est d'origine gallo-romaine ; il vient de Tiliatum: les tilleuls. Il fut réuni à Verroles (Verrulæ, l’endroit où poussait du bois à balais, c'est-à-dire des bouleaux et des genêts).

3Le mouton de la race mérinos trouve son origine en Asie Mineure. Il fut introduit en Afrique du Nord par les Phéniciens puis implanté en Espagne à la fin du XIIème siècle par les Maures. 



4 - Le testament de Henri de Tilly, , seigneur de Fontaine- Henry, au XIIIème siècle, est une pièce très curieuse. Il fut fait en présence de Robert, abbé d’Ardennes. C'est dans ce testament que l'on voit noté l'abbaye du Cordillon.

 5 – L’abbaye du Cordillon sur le territoire de Lingèvres.