Un conte de Noël des environs de Creully ( Creully sur Seulles ) : L'enfant Louis.


La campagne du Bessin apparaissait comme un tableau où les arbres dénudés, s'élevant d'un sol de neige, tendaient leurs branches vers un ciel d'un bleu d'août. Et pourtant nous sommes en décembre 1846, plus précisément le 24 ; jour qui disparaîtra parmi les taillis à l'Ouest de notre région pour laisser la place à une nuit de fête religieuse : Noël.
Dans un petit village non loin de Creully qui venait de se remettre d'un grave incendie un enfant errait.
Chiffons de laine aux pieds sans sa mère disparue dans la Seulles au début de l'année. Son père, il ne l'avait jamais connu.
Agé de 9 ans, Louis, un prénom de roi, vivait dans une pièce débarras au fond d'une cour de ferme à la sortie du village. Les fermiers le recueillirent après la mort de sa mère. Elle y travaillait à l'entretien de l'habitation et à divers ouvrages.
Louis n'était pas logé gratuitement car pendant plus de 10 heures par jour il effectuait des petits travaux plus ou moins durs pour un enfant de cet âge. Une soupe, un morceau de lard et un bout de gros pain cuit à la ferme sont le menu journalier.
Le « maître » avait offert à Louis son après-midi comme cadeau de Noël.
Louis errait...
Noël, jour de fête, mais jour de peine pour ce garçon seul.
— J'ai froid, pensa-t-il, j'ai froid.
La neige avait certainement décidé de passer Noël sur le sol du Bessin.
Louis avançait çà et là, d'un pas lent.
À l'approche de la rivière, la Seulles, il revit sa mère, sa mère qu'il adorait ; regardant le ciel un mot lui échappa :
— Maman.
L'enfant pleura.
Ses larmes allèrent rejoindre les eaux de la Seulles où sa mère périt noyée.
— Maman.
Louis se releva pour aller cueillir une branche de houx aux fruits rouges puis revint vers la rivière et la lança.
— Maman, ton Noël.
Le froid se faisait encore plus sentir, le jour baissait, Louis repartait en direction du village quand il vit la grange, un petit bâtiment de pierres servant de refuge à des bêtes pendant les bonnes saisons.
L'adolescent avança vers la grange où il pénétra.
Des gerbes de paille et de foin jonchaient le sol. Le pauvre gosse les rassembla puis s'allongea. Une douce chaleur l'enveloppa. Louis s'endormit.
Non loin de là, sur le chemin, des hommes et des femmes habillés de leurs plus beaux effets se rendaient à la messe de la nuit.
Louis dormait.
Non loin de là des hommes et des femmes vont fêter Noël ; leurs enfants participeront à la fête. Personne ne pensera à cet enfant, seul, endormi, à la sortie du village près de la Seulles.
Un beuglement de vache ou de bœuf réveilla Louis et le replaça loin des rêves mais dans la réalité.
Mais une idée naquît dans son petit cerveau.
L'adolescent se leva, quitta la grange, replaça sur ses épaules le vieux manteau et partit, cette fois, avec un but précis.
Le beuglement entendu était celui d'une vache. Ouvrant une barrière de bois à demi démolie, Louis réussit sans peine à amener la bête dans « sa » grange où après avoir ramassé une corde, il l'attacha à un anneau scellé au mur.
Puis l'enfant repartit, un peu plus loin cette fois, dans un petit bâtiment de la ferme où il logeait habituellement. Et là il trouva un âne qui sans aucune résistance se laissa mener à la grange pour y retrouver la vache.
Quelques minutes plus tard, Louis se coucha sur la paille entre l'âne et la vache.
De nouveau le sommeil l'emporta dans les songes.
Ainsi, un petit garçon qui était dans son dixième hiver, voulut passer Noël à sa manière ou plutôt à celle d'un autre enfant qui naquit il y a 2010 ans.
Louis dans ses rêves vit une femme, sa mère, plus belle que jamais, le montrant du doigt à Jésus du haut du ciel. Elle souriait à son enfant qu'elle avait aimé, qu'elle aime toujours.
Dans le royaume des rêves il vit sa mère s'approcher, de plus en plus près jusqu'à le toucher.
Il se réveilla.
— Maman, tu es là, maman.
Bien sûr les beaux rêves n'ont pas souvent une fin heureuse.
Ouvrant un peu plus les yeux, il n'aperçut pas sa mère mais une autre femme.
— Que fais-tu là l'enfant, tu vas avoir froid ?
— Je n'ai plus de parents répondit-il.
— Mais où habites-tu ?
— Je loge dans une pièce à la ferme non loin de là avec des grands qui ont oublié que j'existai en cette nuit de Noël.
— Relève toi et viens dit la femme.
Elle lui passa sur les épaules un grand châle de laine noire.
Ils ressortirent de la grange pour rejoindre un homme debout près d'une charrette sur le chemin.
L'homme interrogea :
— Où as-tu trouvé cet enfant ?
— Il dormait dans la grange sur la paille au milieu d'une vache et d'un âne.
— Comme Jésus à part que le bœuf est devenu une vache.
Oui, comme l'enfant Jésus répondit la femme que Louis malgré la nuit trouvait très belle. Elle continua :
— Il est seul au monde.
— Tu n'as pas de parents, questionna l'homme.
D'une voix tremblotante Louis regarda l'homme et dit :
— Je n'ai pas eu de père et ma mère s'est noyée il y a quelques mois dans la rivière.
L'homme monta l'enfant sur la charrette pendant que la femme faisait de même en s'adressant au gosse :
— Je ne sais pourquoi nous nous sommes arrêtés, mais une force sur prenante m'a poussé jusqu'à la grange.
Et moi qui n’aie pu avoir d'enfant je découvre un garçon qui s'appelle...
— Louis dit l'enfant.
La femme reprit :
— Un garçon qui s'appelle Louis et qui va maintenant devenir notre fils, n'est-ce pas Louis ?
— En pleurant l'enfant fit oui de la tête.
La charrette roula sur le chemin pendant deux heures puis stoppa près d'un atelier de charpentier.
Le couple et l'enfant heureux en descendirent.
La femme tenant sous son bras Louis dit à l'homme :
Joseph fait nous un bon feu dans la cheminée.
Louis entendit l'homme répondre :
— Oui Marie.

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