1944 - Un canadien découvre le lavoir de Creully (Creully sur Seulles)


14 septembre 1944, "Le Devoir", journal du Québec, publie l'article ci-dessous d'un correspondant de guerre canadiens


" Creuilly, petite ville paisible de la côte, possède son lavoir public, la buanderie archaique si po­pulaire en Europe. Une petite riviè­re serpente paresseusement à tra­vers la contrée et se promène jusqu'au centre de la ville. C’est là que l’on a aménagé le lavoir. Un simple bloc de pierre vieillie, un toit fait de bardeaux : voilà où se fait le blanchissage. Lorsque j’y passe pour la première fois, des aviateurs de chez nous causent gentiment avec trois bonnes vieilles qui sa­vonnent le linge lentement, en ca­dence, laissant échapper de temps à autre une plainte de fatigue. Elles portent le long tablier bleu à rayures blanches des ouvrières, et leur figure franche, qui fait plaisir à voir, les rend très sympa­thiques.

"C’est le jour de blanchissage aujourd’hui. C’est dommage mais le savon se fait rare, comme d’ail­leurs toutes les matières grasses”, fait remarquer l'une d’elles en se tournant vers le sergent Raymond Lalonde d’Ottawa (68 Adeline), un brave type qui est outre-mer depuis 1943, après avoir passé quinze mois à Terre-Neuve. Le sergent Lalonde est dans le C.A.R.C. depuis septembre 1939. "Je vous en appor­terai un gros morceau que j’ai dans ma tente à l’escadrille”, répond Raymond avec un bon sourire “ Vous êtes bien bon, monsieur’’, répond une vieille normande.

Le caporal Hubert Robichaud de Meteghan, comté de Digby, promet lui aussi d’apporter un morceau de savon à une autre blanchisseuse, et l'aviateur-chef Léo Mireau, de Pleasant Valley, (Sask.) fait de même. Les trois dames se confondent en remerciement. J’observe la scène et je suis touché de l'expression de gratitude qui se lit sur les figures de ces ménagè­res. "Si je ne me retenais pas j'irais tout de suite au camp me dit d’une voix émue le sergent Lalonde.

Je suis passé plusieurs fois de­vant le lavoir, à toutes les heures du jour. Hier, une laveuse, en m'adressant un bonjour ami­cal, me dit :  "Vous savez les trois jeunes hommes canadiens, ils ont tenu leur promesse".
Extraits de films réalisés en 1944 par des correspondants anglais.