Un habitant de Creully tue par jalousie - 1880


Le Causeur Normand - Décembre 1880

Nous recevons la nouvelle d'un crime commis lundi, dans des circonstances particuliè­rement odieuses, en ce qui concerne la lâcheté
 des témoins qui l'ont vu perpétrer sous leurs yeux, sans qu'un seul ait cher­ché à s'interposer entre l'assassin et sa victime.
 
Voici, brièvement résumés, les détails que nous avons pu recueillir. Le nommé Victor Bâton, ouvrier couvreur à Creully, âgé d'une trentaine d'années, vivait, de­puis plusieurs années, en compagnie d'une femme ou fille Bourget, journalière, à peu près du même âge que lui. De fréquentes scènes de jalousie avaient lieu dans ce faux ménage, Bâton se plaignant, à tort ou à raison, que la femme Bourget eût des relations avec un autre homme, un jour­nalier dont nous n'avons pu recueillir le nom. Lundi matin, notamment, Bâton lui aurait fait défense d'aller travailler dans l'atelier de piqueurs de colza, où elle de­vait se trouver avec cet individu. On dit même qu'ayant rencontré une femme de sa connaissance, Bâton lui aurait parlé de sa jalousie et fait entendre des paroles de menace.
Il paraissait en proie à une surexcita­tion à laquelle l'alcool ne semblait pas tout-à-fait étranger. Bref, dans l'après-midi, il se présenta dans le champ où tra­vaillait la femme Bourget, qui n'avait pas tenu compte de sa défense. Il se rua sur elle et la frappa violemment avec son bâ­ton ; puis, l'ayant terrassée, il lui porta un coup de couteau au côté droit.
Comme nous l'avons dit, les témoins de cette scène, intimidés, sans doute, par l'attitude du meurtrier eurent la lâcheté de ne pas intervenir, malgré les appels désespérés de la malheureuse. On ne sau­rait trop flétrir leur ignoble conduite. Cependant l'un d'entre eux était allé pré­venir la gendarmerie, et le brigadier ac­courut sur les lieux pour s'emparer du coupable.
Pendant ce temps, la femme Bourget rendait le dernier soupir, tandis qu'on s'occupait de la transporter à son domi­cile. L'arme avait pénétré assez profondé­ment dans le poumon, et le médecin n'a pu que constater le décès.
Le lendemain, la justice a commencé son enquête, et le coupable, arrêté sur le champ par le courageux brigadier, a été amené à Caen et écroué à la maison d'ar­rêt.
Je reparlerai de ce crime quand Bâton sera jugé.
(Le nom des personnes a été modifié)